Éric Roger

Aujourd’hui, j’ai le grand plaisir de mettre un peu de lumière sur Éric Roger.

Éric est un homme accessible, gentil, dévoué, qui contribue depuis de longues années à la vie poétique de Montréal et du Québec. Tout le monde connait Éric, tout le monde aime Éric.

Poète, performeur, animateur, etc…, ses facettes sont multiples.

Je ne pense pas qu’un seul poète du Québec ne soit pas passé, d’une manière ou d’une autre, entre ses mains.

Aujourd’hui Éric, je tiens à te féliciter et à te remercier pour tout ce que tu a accompli, et pour tout ce qu’il te reste à faire.

Sérénité et inspiration, mon ami.

*

FUIR SA QUÊTE AU SUD DE SA MÉFIANCE
Je suis la balle du gun pas déchargée
je marche sur mon ombre en parcourant des chemins de lumière
les désaxés sont à l’honneur
dans cette course folle déshumanisée
le monde s’écroule personne n’ose le dire
le silence coud des points de suture aux mots
les gens fuient le bonheur des autres
en tentant d’échapper à leur petite mort
qu’ils se sont donnés le jour où ils ont réalisé
que personne n’était là pour les aider
je marche en écrivant sur mes neurones
convaincu que quelqu’un me suit
et se met à imiter mes pas

Éric Roger, le 5 janvier 2016

*

Laisse la danser
elle se promène sur ma peau
elle m’embrasse à reculons
son pouls danse le tango de la mort
le fou de nous deux s’impatiente
je chasse les démons sous mon oeil
les rides sont poétiques

Éric Roger, Burning Tall 

*

Je m’endors sur des chemins méconnaissables de nous deux

même ta main autour de mon gland

n’a pas survécu

il ne reste qu’un naufrage à secourir avant la tempête

une sorte de soif qui n’a plus de limite

je bois ton sang dans mes rêves

ma grand-mère en était vexée

le désir court dans ma tête

on tente de le tuer

je cours plus vite dans mes veines

que dans la réalité elle même

Rob Halford chante:

You’ve got another thing coming

Éric Roger, Burning Tall

*

Je m’accroche aux lumières

Qui me tendent un dernier soupir

Dans l’œil de la mouche

Il y a des conditions pour survivre

Tu as mis ton masque à nu

Je respire la nuit jusqu’à temps

Qu’elle me dévisage

*

Éric Roger a grandi entre Saint-Henri et Ville-Émard. Il a animé à la radio de CISM, CKUT et CINQFM. Il anime depuis 2000 les soirées de poésie-musique SoloVox un peu partout au Québec. 

Il a publié 14 recueils de poésie dont trois titres chez TNT, il sortira sous peu La pluie de la mort son quinzième recueil avec illustration de Away du groupe voivod.

https://www.facebook.com/EricRoger2021

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Soleil Hirsute

Une belle surprise en arrivant à la maison ce midi.

Un exemplaire de la revue Soleil Hirsute.

Un grand merci Anusha.

Sylvestre Clancier

*

Rendus à l’infini de ta langue

Ces mots qui sont très proches

A l’oreille éblouie

Ils te mènent à l’ailleurs

Où sans voix

Tu les verras blottis

Attendant que tes pas

Aient retrouvé les leurs

Tu interroges le ciel

Où ils respirent la nuit

*

À Hélène Dorion.

Une étrangère poète s’est alors avancée

elle avait lu Ronsard, Verlaine et Mallarmé

et sous l’arche du temps elle avait voyagé

longtemps au cœur de l’être.

Elle revenait de loin

son visage appuyé contre le monde

de la vie elle avait éprouvé les fragiles passages

le vent le désordre et l’oubli.

Belle empreinte de bleu

elle saluait les pierres invisibles

sur les murs de la grotte.

Avec elle soudain tout devenait sans bord

sans bout du monde

tu pouvais ouvrir les fenêtres du temps

et tu l’accompagnais

ré enchanter les lieux.

Que l’instant de beauté, de bonheur et d’amour

ne se dissipe point :

Verweile Augenblick, du bist so schön !

*

Reprends le livre

et fais silence.

Tes poèmes auront alors la force

et leur chant le pouvoir

de rappeler l’âme furtive

de tes chers disparus.

*

Je me demande quel regard

quelle parole muette

quel sourire intérieur

auraient pu déjouer

le frisson qui me saisit

quand sans l’avoir voulu

je me surpris à tutoyer la mort.

*

Sylvestre Clancier est né à Limoges en 1946.
Sa formation philosophique l’a amené à entreprendre des recherches sur l’allégorie et le symbolisme, ainsi que sur la patascience et l’imaginaire. Il est l’auteur d’un Freud (éd. Érès, 1998), d’une fable philosophique de politique-fiction, Le Testament de Mao (éd. J.-P.Delville, 1976), d’un essai sur la poésie, La Voie des poètes (éd. J.-P. Huguet, 2002), d’un essai socio-historique, La Vie quotidienne en Limousin au XIXe siècle (en collaboration avec G.-E. Clancier, Hachette, 1976), ainsi que d’une anthologie Poésie de langue française, 144 poètes d’aujourd’hui autour du monde, avec S. Bataillon et B. Doucey, éd. Seghers, 2008.

Il a surtout publié des poèmes et des fantaisies en prose.
Sylvestre Clancier a été attaché culturel à l’Office de la Langue Française au Québec (Canada), où
il a également enseigné la philosophie. Il a ensuite enseigné la littérature et la civilisation françaises dans les universités de Paris 13 et de Paris 1.

Il a mené parallèlement une activité d’éditeur commencée chez Robert Laffont et poursuivie
dans différentes maisons d’éditions.
Co-fondateur et directeur général des éditions Clancier-Guénaud pendant douze ans (jusqu’en 1989), il a aussi été co-fondateur et membre du Conseil d’Administration des éditions Érès pendant vingt cinq ans, de 1981 à 2006.
Il intervient dans de nombreuses associations d’amis d’écrivains et dans des institutions littéraires dans lesquelles il a été élu. Ainsi est-il membre fondateur et président de La Nouvelle Pléiade, des Associations des Amis de Gaston Miron et des Amis de Jean Lescure, ou encore membre de la Maison des Ecrivains et administrateur de la Maison de Poésie / Fondation Emile Blémont reconnue d’utilité publique.

Membre du bureau de l’Association Internationale de la Critique Littéraire, il est administrateur élu de la Société des Gens de Lettres de France. Après
y avoir assuré les fonctions de Rapporteur général, de Président de la Commission des Affaires financières et des legs, de trésorier adjoint, il y a présidé successivement les Commissions de Poésie, des Affaires européennes et de la Francophonie.

Il a été élu à ce titre, en 2011, vice-président de la Fédération des sociétés d’écrivains européens. Il est membre de plusieurs jurys, Grand Prix de la Critique littéraire, Prix Louis Guillaume du poème en prose et des Prix Roger Caillois décernés chaque année dans le cadre d’un partenariat entre le PEN Club français et la Maison de l’Amérique Latine. Président d’honneur du PEN Club français, après en avoir été le président, il est membre du Comité Exécutif du PEN International. Sylvestre Clancier a été Secrétaire général de l’Académie Mallarmé, dont il est aujourd’hui, vice-Président.

OEuvres :
Saisons et rivages, en collaboration avec Julia
     Reix, éditions de la Tour de Feu, 1967
Profil du songe, éditions Encres Vives, 1971
Textructions, éditions de la Revue Métamorphoses, 1973
L’herbier en feu, éditions Proverbe, 1994
Enfrance (Poèmes & Prose), éditions Proverbe,  
     1994
Le présent composé, Écrits des Forges/Proverbe,
     1996
L’animal animé, Bestiaire symbolique, éditions
     Proverbe, 1999
Pierres de mémoire, Écrits des Forges/Proverbe,
     2000
Poèmes de la baie, Les Cahiers bleus, 2001
L’Âme alchimiste, éditions Proverbe, 2002
Poèmes de l’avant / Poèmes de l’après, La Porte,
     2003
Une couleur dans la nuit, éditions PHI /Écrits des
     Forges, 2004
Ecritures premières, L’Improviste, 2004
L’éternel éphémère des visages et des corps,
     Prodromus, 2005.
La lingua improbabile della memoria, La Porte,
     2006
Un jardin où la nuit respire, éditions PHI/Écrits des
     Forges, 2008.
Généalogie du paysage / Quatrains limousins,
     L’Harmattan, 2008.
Le Livre d’Isis, Al Manar, 2009
La Promesse des morts, La Porte, 2010
La Mémoire improbable, éditions Henry / Écrits
     des Forges, 2010
Expansion du domaine de la bulle, Le Grand
     Incendie, 2010
Un souffle ancien, La Porte, 2012
Dans l’incendie du temps, L’Amandier, 2013
Le Temps fait corps avec la terre (Éditions de la
     Lune Bleue, 2014

Photos de Sylvestre Clancier - Babelio.com

Philippe Leuckx

*

Dans les herbes de l’enfance, je ne sais quel

chagrin soudain vous porte. Vous n’avez plus

assez de ciel pour gagner du champ ni la tête

assez légère.  Vous cheminez en  vous sans

issue. La lumière vous manque.  Quel visage

s’est retiré de vous et s’éloigne comme bête ?

Quelle peur dans les os ? Et si peu  dans les

mains pliées! Le pays lui-même se retourne

vers les fonds  et vous ne savez plus rien ni

même la couleur de la terre. Reste la douleur.

Sans rivage.

*

L’air trempe un bout de chiffon vers le ciel.

On n’a rien vu du reste.

L’enfance a de claires allées.

Qui jardine pousse le vent.

Les murs de la ville ont d’étonnants parages.

Et les mots ont pour eux l’ombre des arbres.

*

Du balcon à la colline, un surplomb d’été. Il

va falloir grimper soleil.  Et graver  dans le

bleu ces mots qui frétillent dans les herbes

courtes – pierre, vipère, repaire de rapace. Le

regard évince le moindre faux pas.  La main

caresse une chaleur sourde. Toute l’enfance

s’assèche dans les bruits émiettés. Parfois la

grâce libre d’un oiseau signe l’espace ouvert.

L’été couve, intact.

*

Tu resteras parfois en retrait du silence

Et de l’ombre

Comme un oiseau blessé que l’herbe

Ramasse

*

Né en 1955, à Havay (Hainaut belge). Etudes de lettres romanes et de philosophie à Namur et à Louvain. Mémoire de licence consacré à une approche sémiotique de Proust (promotrice : Ginette Michaux). Etudiant d’André Sempoux, de Jean Ladrière. Professeur de français, d’histoire de l’art et de philosophie à Soignies.

Chroniqueur à regArt, à l’Arbre à paroles (1995-1998) et à Dixformes-informes (2000-2002). Collabore, depuis ses débuts en 1993, à de nombreuses revues littéraires : Multiples, Le Fram, Archipel, Rétro-Viseur, Le Non-Dit, L’Inédit nouveau, Le Spantole, Le Pollen d’azur, Traversées, Issimo (Palerme), Ecriture (Lausanne), Le Mensuel poétique et littéraire, La revue générale, Courant d’Ombres, Estuaires, Arpa, Saraswati

Des centaines de poèmes et deux cent vingt articles parus. Articles consacrés à Zrika, Dugardin, Vandenschrick, Rombi, Guillard, Grandmont, Miniac, Kiesel, Baude, Leclercq, Donnay, Counard, Wauthier, Aubevert, Mathy, de Cortanze, Sallenave, Scola, De Halleux, Lison, Nys-Mazure, Jones, Foulon, Léautaud, etc. Critique littéraire au Journal des poètes, à Bleu d’encre, à Francophonie Vivante, aux Dossiers L (sept monographies consacrées aux poètes belges Vandenschrick, Kinet, Lambiotte, Donnay, Romus, Roland, Bonhomme, Rose-Marie François, Liliane Schraüwen, Béatrix Beck). Auteur de préfaces à des plaquettes (Clapàs) de P. Roland, R. Counard et F. Kiesel. Boursier de la Communauté française (1994). Prix de la Province de Liège (Concours Pyramide 2000).

Résidence d’auteur à l’Academia Belgica de Rome (2003 et 2005). Membre de l’Association des écrivains belges, de l’association Charles Plisnier, de l’Association des Professeurs de français, de l’Association Royale des Ecrivains wallons, du Cercle de la Rotonde. Examinateur au Jury de la Commaunauté française (histoire, géographie…). Traduit en italien par Bruno Rombi. Traduction de l’italien (Mosca, Rombi). Dossier sur Grandmont paru en 2005 à « Autre Sud ».

Lauréat du Prix Emma Martin de poésie 2010 pour son livre de poèmes « Selon le fleuve et la lumière » (Ed. Le Coudrier, 2010, 126 p.). Son recueil « Lumière nomade » paru aux éditions M.E.O. a, quant à lui, reçu le Prix Robert Goffin 2014 et le Prix Gauchez-Philippot 2015.

Bibliographie

  • Une ombreuse solitude, l’Arbre à paroles, Amay, 1994.
  • Poèmes d’entre-nuits, Le milieu du jour, Paris, 1995.
  • Et déjà mon regard relue la cendre, Ed. Clapàs, Aguessac, 1996.
  • Comme une épaule d’ombres, L’Arbre à paroles, Amay, 1996.
  • Le fraudeur de poèmes, Tétras-Lyre, Soumagne, 1996.
  • Une sangle froide au cœur, L’Arbre à paroles, Amay, 1997.
  • Nous aurons, Ed. Clapàs, Aguessac, 1998.
  • Une espèce de tourment ?, L’Arbre à paroles, Amay, 1998.
  • Puisque Lisbonne s’écrit en mots de sang, Encres Vives, Colomiers, 1998.
  • Un obscur remuement, La Bartavelle, Charlieu, 1999.
  • Le fleuve et le chagrin, Tétras Lyre, Soumagne, 2000.
  • La main compte ses larmes, Ed. Clapàs, 2000.
  • Poèmes de la quiétude et du désoeuvrement, L’Arbre à paroles, Amay, 2000.
  • Un bref séjour à Nad Privozem, Encres Vives, Colomiers, 2000.
  • La ville enfouie, Encres Vives, Colomiers, 2001.
  • Celui qui souffre, Ed. Clapás, Aguessac, 2001.
  • Poèmes pour, La Porte, Laon, 2001.
  • Touché cœur, L’Arbre à paroles, Amay, 2002.
  • Sans l’armure des larmes, Tétras Lyre, Soumagne, 2003.
  • Faubourg d’herbes flottantes, La Porte, laon, 2003.
  • Errances dans un Bruxelles étrange, Encres Vives, Colomiers, 2004.
  • Les 16 élégies de ruine, Multiples n°64, Longages, 2004.
  • Rome cœur continu, La Porte, Laon, 2004.
  • Te voilà revenu, Ed. Les Pierres, Tournai, 2004.
  • En écoutant Paolo Schettini, Encres vives, 2006.
  • Un dé de fatigue,Tétras Lyre, 2007.
  • Etymologie du cœur, Encres vives, 2008.
  • Rome rumeurs nomade, Le Coudrier, Mont-Saint-Guibert, 2008.
  • PériphériesEncres vives, 2009.
  • Selon le fleuve et la lumière, Le Coudrier, Mont-Saint-Guibert, 2010.
  • Le beau livre des visages, Maelström, 2010.
  • Le coeur se hausse jusqu’au fruit, Les déjeuners sur l’herbe, 2010.
  • Rome à la place de ton nom, Bleu d’encre, 2011.
  • Romadesso, poèmes inédits.
  • L’aile du matin, poèmes inédits.
  • La rue pavée, poèmes inédits.
  • Un bandeau d’ombre douce sur les yeux, Poèmes 1996-2005 inédits.
  • Une inquiétude passionnée, poèmes inédits.
  • Selon le fleuve et la lumière, Ed. Le Coudrier, 2010, 126 p. Prix Emma Martin de poésie 2010 décerné par l’Association des Ecrivains Belges, lors de la Rentrée Littéraire du 12 octobre 2011.
  • Dans la maison Wien, Encres Vives, 2011.
  • D’enfances, Le Coudrier, 2012.
  • Au plus près, Éditions du Cygne, 2012. (Le Chant du Cygne).
  • Un piéton à Barcelone, Encres Vives, 2012. (Lieu).
  • Quelques mains de poèmes, L’Arbre à paroles, 2012.
  • Lumière nomade, M.E.O., 2014. Prix Robert Goffin 2014. Prix Gauchez-Philippot 2015.
  • Dix fragments de terre commune, La Porte, 2014.
  • D’où le poème surgit, La Porte, 2014.
Philippe Leuckx au Marché de la Poésie de Namur 2014 - YouTube

Axel Sourisseau

Axel Sourisseau est né à Nantes en 1988. Il a étudié l’histoire de l’art et l’archéologie.

Féru d’anthropologie, il sillonne grâce à l’écriture les liens complexes entre territoire, mythe et mémoire.

Son premier recueil, Le ravin aux ritournelles, a obtenu le Prix de La Crypte en 2017. Il a publié son deuxième ouvrage, catafalques, en 2020 (Prix Louis Guillaume 2022).

Merci Sabine Chavernac pour la précision.

Pro/p(r)ose Magazine : Janvier 2022

Ce premier numéro 2022, une fois n’est pas coutume Pro/p(r)ose Magazine l’a souhaité particulièrement dense, une manière d’inaugurer l’année avec panache et de vous remercier de nous lire et de nous suivre toujours plus nombreux.

Une générosité, une fidélité et un goût du partage qui par delà les frontières nous touchent autant qu’ils nous rapprochent et sans lesquels notre revue ne ferait sens.

Comme à l’accoutumée, nous vous proposons ce mois, outre des recensions de lectures une pléthore de créations, mais aussi un entretien exclusif avec Myriam O.H. une voix poétique contemporaine et audacieuse à ne pas manquer, du cinéma…Des découvertes et redécouvertes passionnées.

Nous vous en souhaitons une bonne lecture.

K.Cayrat, fondatrice et directrice de publication de Pro/p(r)ose Magazine.

En Une : 

D’autres (re)découvertes et explorations :


A relire : 


Ne manquez pas notre prochain numéro en ligne le 27 mars prochain !

D’ici là, n’hésitez pas à (re)découvrir nos numéros dont celui de juillet dernier autour de la thématique JE(UX)

Nous vous rappelons également que notre appel à textes permanent poursuit sa course.

Et nous vous invitons à rester ouverts aux impromptus…

Pro/p(r)ose Magazine, le dernier dimanche, tous les deux mois.

Laure Morali

*

La terre
cet animal

quand elle respire

nous marchons
dans son rêve

*

Vivre sa parole
comme on vit avec ses yeux

chaque mot attend son heure

ce que l’on voit revient
d’un temps collé
à l’ombre

la terre n’est jamais loin
du ciel

*

Crépitements

au creux de la main

je ferme mes doigts

sur un fruit invisible

sa pelure d’air

son jus de désir

vidé jusqu’aux pépins

lune à demi-pleine

*

Je m’étends sur la mer en étoile,

avec un souhait profond, embrasser l’univers,

le boire. Mes souvenirs me font trembler.

Attachée au vent comme à un feu,

je glisse dans la marée, insoumise,

pour toucher la mémoire des hommes.

La matière du monde s’ouvre avec le désir.

Je suis cette nuit de fête sur la plage mouillée.

Je ne sais plus si l’ivresse me provient de la couleur

des flammes, de sa salive au goût de cassis

ou du mouvement des étincelles du plancton

sous nos brasses, mais il me faut sa chair

pour réveiller le pouvoir de la nuit.

*

Laure Morali est poète, auteure de récits et romancière. La mer à la porte, La route des ventsLa terre cet animalTraversée de l’Amérique dans les yeux d’un papillonComment va le monde avec toi, Orange sanguine… Ses titres en appellent au souffle des éléments pour s’unir autour d’une quête de lumière. 

Dans son dernier livre, En suivant Shimun (éditions du Boréal, collection « L’œil américain », 2021), Laure Morali souligne les motifs qui traversent tous ses textes — la transformation des êtres et de leurs identités au contact de l’altérité, le nomadisme, le langage de la nature, la passation d’histoires porteuses de souffles anciens.

Originaire d’une presqu’île des côtes d’Armor en Bretagne,  elle vit à Montréal. Ses racines plongent dans la Manche, l’Aurès et les Vosges. Son écriture façonnée par la respiration de la mer n’a de cesse de chercher à relier des mondes séparés par les ressacs de l’Histoire. L’anthologie Aimititau! Parlons-nous! qu’elle a dirigée (2008 et 2017) a contribué à renforcer les liens entre auteurs du Québec et des Premières Nations. 

En tant que réalisatrice de documentaires de création, elle a signé les films Les filles de Shimun (52 min), Les femmes naissent dans les coquillages (26 min) et L’Ours et moi, portrait de l’écrivain N. Scott Momaday (30 min).  

Ses ateliers d’écriture ont donné des fruits tels que l’album Mingan mon village, poèmes d’écoliers innus, illustré par Rogé (La Bagnole, 2012, prix jeunesse des libraires 2013) et l’anthologie Nin auass/Moi l’enfant qu’elle a codirigée avec Joséphine Bacon (Mémoire d’encrier, 2021). Laure Morali fait partie du comité de rédaction de la revue Apulée (éditions Zulma).   

Claudine Bohi

*

ce qui tremble

en nous

dans le fond de la chair

les mots

le rassurent

autour

les mots l’apprivoisent

*

Les mots

sont des pas

sur la neige

ils gardent la trace

mots de neige

sur la plaine

une biche parfois

encorde le silence

un grand oiseau de blanc

fait parole en nos yeux

*

tu laves tes mains d’homme

elles sont posées

sur la pierre

et le réel c’est pour ça

une peau peut le recommencer

dans le vertige

nous touchons cette peau

alors tu montres le jardin simple

l’enfant qui dort dans ta poitrine

te prend la main

c’est maintenant l’amour

si je caresse ton genou

j’atteins cet enfant-là

réconcilié

*

maintenant la chair

glisse sur rien

longuement tu te tais

il y a la plaie le sang

vivre couteau

c’est sans parole

il y a les multiples du visage

les multiples disait-on

peut-être s’agit-il simplement

de crier le bleu dans le rouge

puisque le vent s’est levé

de n’avoir plus froid

*

Claudine Bohi est une poétesse française née en 1947. Elle est agrégée de Lettres et psychanalyste. En plus de sa carrière d’écrivaine, elle est chargée de cours à l’université Paris IV-Sorbonne et enseigne au lycée Voltaire, à Paris. Ses textes figurent dans diverses anthologies célébrant l’érotisme dans la poésie. La qualité de son œuvre littéraire fut saluée par différentes récompenses, dont le Prix Paul-Verlaine pour Atalante, ta course (Éditions la Bartavelle, 1998) et le Prix Mallarmé pour Naître c’est longtemps (Éditions la tête à l’envers, 2018).

Dans son dernier recueil, L’enfant de neige (Éditions de L’herbe qui tremble, 2020), les poèmes de Claudine Bohi s’attardent à l’éclosion du langage et à son déploiement, à ce qui dans notre usage des mots traduit notre singularité. 

Une auteure avec un A en majuscule.

Portrait de Claudine Bohi

Claude Luezior

*

 HEURTOIR
                              (survivre)

                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      à cette porte
                      presque morte
                      où résonnent les gonds
                      de vaines purifications
 
 
                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      sur la fracture    
                      sur les blessures
                      où vibrent mes suppliques
                      et mes prières faméliques
 

                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      et m’agenouille
                      sombre fripouille
                      à l’échancrure des souvenances
                      aux éboulis des insolences
 
 
                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      est-elle encore si farouche
                      ou orpheline, ma manouche
                      ou dans les bras, belle grivoise
                      d’un prince qui l’apprivoise

 
                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      ma pogne se boursoufle
                      sur ce cœur que je maroufle
                      de mes cris sans blasphème
                      de mes râles qui s’enchaînent
 
 
                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      à cet airain d’outre-tombe
                      au chaos d’une catacombe
                      où mes rêves hallucinent
                      après la marche des guillotines
 
 
                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      pour qu’elle m’ouvre
                      sa croupe
                      pour qu’elle découvre
                      ma coupe
 
 
                      Je heurte
                      Parce que je suis heurtoir
 
                      et je heurte
                      heurte sans tympan
                      et je heurte
                      jusqu’au sang

*

d’un souffle 
tu ériges
et dédies
aux retrouvailles
ce que tes rêves
ont deviné

lire ensemble
ces minutes
du pacte vital
que fige
la tendresse

brûlant rituel
des caresses
qui fécondent
le désir

oraisons
 barbares
   pour exhumer
                                                                          la vie

*

Écrivain suisse d’expression française, Claude Luezior a accompli ses études primaires et secondaires à Berne, Fribourg et Philadelphie puis a étudié aux universités de Fribourg et de Genève, aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) et au CHUV à Lausanne, au Queen Square Hospital de Londres, à la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota) et au Massachusetts General Hospital (MGH) de Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au Centre Hospitalier Universitaire (CHUV) à Lausanne puis professeur titulaire à l’université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il écrit sur le plan littéraire depuis son jeune âge mais ne commence à publier que depuis 1995.
 
Sortent dès lors une cinquantaine d’ouvrages, dont une majorité à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, essais, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.

Ses huit premiers ouvrages ont été publiés par Buchet/Chastel, éditeur parisien de Cendras, Valéry, Colette, Durrell, Miller etc. Quatre recueils sont parus chez Encres Vives, collection dirigée par Michel Cosem, prix Renaudot des Benjamins 2003. Pour un tesson de lune a été préfacé par Jean Desmeuzes, inspecteur d’Académie, prix Apollinaire 1964 (que l’on appelle parfois le Goncourt de la poésie)
 
Certains livres de Luezior sont traduits en langues étrangères et en braille.  Il reçoit de nombreuses distinctions, dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001 (Hélène Carrère d’Encausse). Le Prix de poésie Hélène Rivière de l’Académie rhodanienne des Lettres lui est décerné en compagnie de Philippe Jaccottet (Grand Prix) en 2001. Luezior  est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru, ancien membre de la Comédie française. 

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Prix du Poème en Prose Louis Guillaume 2022

47ème année

Au cours de sa réunion du 27 janvier 2022, le jury a décerné le Prix du Poème en Prose Louis Guillaume à :

Axel SOURISSEAU pour Catafalques (Éditions La Crypte),

par 5 voix contre 2 à

France MONGEAU pour L’Ouvrage lilas de la steppe (Éditions du Noroît).

Le jury est composé de :

Max Alhau, Claudine Bohi, Sylvestre Clancier, Paul Farellier, Colette Klein, Jeanine Salesse, Yekta.

Membres d’honneur : Lazarine Bergeret †, Jeanine Baude †, Katty Verny-Dugelay.

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