Qui a envie d’être tué pour une guerre ? Personne aucun soldat aucun civil ni aucun journaliste personne et pourtant à ce jeu de roulette de hasard on compte les corps on renseigne la cause du décès on les place dans des sacs mortuaires avec un numéro une date et quand on peut un nom on enregistre tout ça puis direction la fosse commune ensuite les vivants fumeront une cigarette ou croqueront un carré de chocolat puis passeront à la suite
En cette demeure Se dressent trois colonnes marbrées Les plis d’un rideau coiffent Cette mère aux paumes léchées Par le sel d’une marée haute Le ciel tient dans un verre que je pose sur le carrelage *
Visage vrai
Que je découpe avec des ciseaux.
Les polaroïds de ces pages pleurent: cire, urine, cendre.
*
Je n’engendrerai pas ces sciences exactes Ni ces dépouilles autour de leurs chiffres Mais témoignerai des dieux sur terre.
*
Elle aura fait vœu
De regrouper les os de caille
En un cercle blanc
Inondant nos chambres de chloroforme
Herbes hautes et rosée
*
Écrivain et artiste visuel, Jean-Sébastien Huot est né à Québec en 1971. Fondateur de la revue de poésie Gaz Moutarde, il détient une maîtrise en création littéraire de l’Université du Québec à Montréal. Il possède aussi un diplôme d’études supérieures spécialisées en psychopédagogie de l’Université de Montréal. Il enseigne la littérature au Cégep de Sherbrooke depuis 2005.
ni extraterrestres rien d’autre que des hommes blancs
un sifflement perpétuel
mon nom chuchoté jusqu’à ma résurrection
*
j’entends son réveil un baiser le matin qui s’étire je n’entends plus son réveil mais le bruit sourd d’une noyade un mensonge bourgeonne sur nos paupières
il porte des secrets à ses doigts un mystère qui se répète d’une fille à l’autre un ilot du passé un chuchotement ses fesses crispées comme moi il préfère l’amnésie à la lenteur de guérir
je brode des souvenirs sur ses lèvres je tiens un fleuve à bout de bras devant le feu j’attends de le changer en lucioles
au lever sentir la rosée son souffle
*
je connais peu de mots pour me raconter
je n’ai pas besoin de métaphores
éclairé par la lueur chatoyante du robinet un geai bleu gazouille et l’hiver suffit
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Stéphanie Roussel est née à Montréal en 1991. En plus d’être membre du comité de rédaction d’Estuaire, elle codirige le collectif Les panthères rouges et a coréalisé le documentaireOpen Mic. Elle a aussi assumé la direction de livres, dont De gestes et de paroles (2016) et Un Noël cathodique (Ta mère, 2017). Elle explore les formes de la poésie, du récit, du reportage littéraire et du scénario. Son premier recueil de poésie, La rumeur des lilas, est paru chez Del Busso en 2018.
Le grand prix du Festival international Lucian Blaga, récompense décernée à Cluj-Napoca (Roumanie), a été remis cette année à Yves Namur.
Le grand prix du Festival international Lucian Blaga
Le grand poète roumain Lucian Blaga est décédé à Cluj-Napoca en 1961. La ville lui rend hommage par le biais d’un festival international annuel. Au cours de celui-ci, un prix, au nom du poète, est décerné.
Yves Namur récompensé
Le Festival Lucian Blaga renaissait cette année après deux ans d’interruption en raison de la pandémie. Son prix est allé à Yves Namur, Secrétaire perpétuel de l’Académie royale de langue et de littérature françaises de Belgique, poète et éditeur (il a fondé et anime les éditions du Taillis pré). Le prix récompense à la fois le travail d’Yves Namur en faveur du rayonnement des écrits de Lucian Blaga et l’œuvre personnelle de ce poète belge « expérimenté, profond, éblouissant, d’une expressivité vibrante, royale par sa simplicité« .
Un programme poétique et culturel
Deux poètes belges ont participé à l’édition 2022 du Festival international Lucian Blaga, Yves Namur et Béatrice Libert. Outre le Festival, ils ont également pris part à différentes activités, notamment à la Maison mémoriale Lucian Blaga de Lancrăm, le village natal du poète – où Yves Namur a reçu une Distinction d’excellence de la part du Centre Culturel Lucian Blaga pour son apport au rayonnement de la poésie de Blaga – puis à Alba Iulia, dont la Bibliothèque départementale avait organisé un récital poétique mettant les deux auteurs à l’honneur.
La remise du prix du Festival international Lucian Blaga a par ailleurs été le cadre du lancement de la traduction roumaine de La tristesse du figuier. Le recueil poétique d’Yves Namur, dans la traduction de Sonia Elvireanu, parait aux éditions Școala Ardeleană. Publié en français aux éditions Lettres vives en 2012, il avait valu au poète le prix Mallarmé.
Le commentaire de Martine : Un recueil de poésie empreint du deuil amoureux et d’éco anxiété, selon les poèmes de Maxime Cayer, les deuils amoureux se dégradent comme l’écologie de notre planète. Un parcours entre ses vers qui sont percutants, poignants et tristes. Le désespoir, la sensibilité, la douleur permettent au poète de rendre ses textes troublants, bouleversants et saisissants, je dois avouer, on est dans une nature désenchantée, blasée et désillusionnée. Une lecture intéressante, qui pogne le lecteur dès le début et qui le fait passer par une panoplie d’émotions diverses. Ce fut un bon moment de lecture.
Résumé : Une poésie visuelle qui crée des tableaux et largement inspirée du cinéma, notamment des films d’Andreï Tarkovski Les poèmes de En aucun lieu sont principalement axés autour de l’obsession de la mort, du découragement et de la dépression. Les paysages urbains déshumanisés présents dans Les amours industrielles (premier recueil de l’auteur), composés d’autoroutes, de stationnements déserts, de béton et de métaux, côtoient maintenant des forêts, des champs, des plages ; cependant c’est une nature désenchantée, intoxiquée et polluée dont il est question. C’est un univers post-apocalyptique, cependant ce n’est jamais explicite ; il pourrait tout aussi bien s’agir de notre présent. En aucun lieu relève aussi de la dystopie « personnelle », une dégradation du soi vécue comme un cauchemar éveillé.Tag(s) : #POÉSIE, #DEUIL AMOUREUX, #ÉCO ANXIÉTÉ, #OBSESSION, #ÉCOLOGIE, #TERRE, #QUÉBÉCOIS, #MARTINE L
La Barque est heureuse de vous annoncer la parution deThéorie du monologue de Vladimir Kazakov.
Premier livre de Vladimir Kazakov à paraître en France, Théorie du monologue peut d’abord surprendre par son titre en rapport à son contenu : 35 lettres d’amour adressées à une femme, entre décembre 1973 et juin 1974, sans que ses réponses à elle nous soient données. D’où l’indication que ce titre nous convie de recevoir, grave et ironique.
Cependant qu’à lire ces lettres une à une, nous voyons que réponses de la part d’Irina, la femme aimée, lui ont bien été transmises…
Livre d’amour alors, et amour que l’on pourrait bien sûr qualifier, à l’instar de Breton, de « fou ». Folie, tout autre également, paraissant se préciser au fur et à mesure des lettres à la croisée des mots ; en miroir de ce que de l’être aimé nous recevons, toutes choses ici mises en rapport selon une synesthésie qui l’amplifie (« lignes » d’écriture, « lignes » de pluie, des rayons de lumière…).
C’est que ce livre démontre (et démonte) en ces lettres un rapport qui ne se peut être théorisé que sous une forme inouïe à laquelle Vladimir Kazakov, coutumier des déplacements, se prête, traversant l’angoisse.
***
Poète, écrivain, dramaturge, Vladimir Kazakov est né le 29 août 1938 à Moscou. C’est dans cette même ville, où il vécut une grande partie de sa vie, pour le moins peu commune et mouvementée, qu’à l’âge de 49 ans, il mourut en 1988. Après avoir effectué différents métiers (orpailleur, bûcheron, enseignant chez les nomades tchouktches, charpentier, soutier, puis marin, puis joueur de cartes professionnel), il se consacre à l’écriture à partir de 1965.
Vladimir Kazakov s’inscrit dans les pas de l’avant-garde russe (futuristes, Obérious…), et peut être considéré, à sa manière, comme le successeur d’Alexandre Vvedensky, Daniil Harms, Velimir Khlebnikov, ou d’Alexeï Kroutchenykh rencontré en 1966.
de même que la forme et la couleur du hasard de ce qui m’environne
et je sais que je ne pourrais jamais accueillir en moi qu’un quart ou moins
mais un quart d’espace c’est déjà la silhouette
déracinée des pieds jusqu’à la tête une fleur cueillie dans le temps
qui s’efface
c’est déjà un filament l’étincelle allumée par mon désir – du bûcher présent
*
les amours
soufflées. perdues. un à un passé
sous mes pieds la terre tremble rugit sans traces
la mémoire les efface jusqu’à la pâleur des pierres
je pleure je souris c’est comme ça.
*
tout le monde part dehors même la vie dedans fuit
le temps passe sans traces que nous devant l’immense bouche béante
autour du nœud « moi » tout se détache
même la peau se relâche et les nerfs se délient « je » fuis
*
mon corps
un poids parmi tant d’autres dans cet espace-là présentement
mon corps presse contre les herbes vertes à Montsouris sur une colline
le bleu du ciel est partout je dirais
les herbes vertes pressent contre mon corps à Montsouris dans une vallée
partout brille le bleu du ciel je dirais
une impression condensée nous submerge
elle à mes côtés ou moi en corps à côté d’elle
on meut en réalité tout ce qui est présent rythmé
aux accents d’une surfaces et de secondes accidentels – on respire
quel soulagement de le ressentir – on vit encore en corps la pelouse pulse fort
*
le souffle silencieux centrifuge l’univers dans ses yeux / j’attends en mouvement que l’étincelle du silex révèle la motion des cieux
* Joep Polderman est une poète née à Zutphen (Pays-Bas) en 1994. Après un séjour aux États-Unis, elle s’installe à Paris en 2012 où elle apprend le français et obtient des diplômes en histoire de l’art (2016, Panthéon-Sorbonne) et en littératures françaises (Sorbonne, 2019). Pendant ses années d’études, elle commence à composer des poèmes et d’autres textes en français. Elle a publié sang aux Éditions de La Crypte. Plusieurs textes poétiques ont paru dans les revues Point de Chute et Hurle-Vent (printemps 2021). Elle partage également des extraits, des brouillons, des dessins et des sources d’inspiration sur son compte Instagram (@premières.feuilles).
un temps d’inattention : ils sont là, prolifèrent.
On interroge On ne comprend pas bien
Sont-ils nés d’un regard, d’une voix rencontrée ?
*
J’écris des poèmes nains.
Mes poèmes mélangent
sous le manteau de l’ange
le miel et le venin.
J’écris des poèmes faits main.
Mes poèmes étranges
troublent parfois dérangent
l’ordre d’hier avec demain.
J’écris des poèmes en forme d’orange
et votre bouche qui les mange
c’est encore moi qui la peins.
*
Karel Logist est né à Spa en 1962. Liliane Wouters publie son premier recueil, Le Séismographe, en 1988 aux Éperonniers. Suivent dix recueils, parmi lesquels Ciseaux carrés (1995), Alexandre Kosta Palamas (1996), Force d’inertie (1996), J’arrive à la mer (2003), Le Sens de la visite (2008), et l’anthologie personnelle Tout emporter (Le Castor Astral, 2008). Membre du comité de la revue Écritures à la fin des années 90, il a fondé la revue et les éditions Le Fram avec Carl Norac et Serge Delaive. Il anime de nombreuses rencontres d’écrivains et des ateliers d’écriture. Karel Logist est lauréat de nombreux prix de poésie, dont le Prix Robert Goffin, le Prix Maurice Carême, le Prix Jeune Talent de la Province de Liège, le Prix du Parlement de la Communauté française et le Prix Marcel Thiry. Son site: https://karellogist.com/
Bibliographie
J’arrive à la mer, Editions de la Différence, Collection clepsydre, Paris, 2003, 128 pages. (Prix Marcel Thiry)
Tout emporter, poèmes 1988-2008, préface de Liliane Wouters, Le Castor astral, Collection Escale des lettres, Bordeaux, 2008, 172 pages.
Desperados, Editions L’arbre à Paroles, Amay, 2007, 86 p.
Si tu me disais viens, Éditions Ercée, Bruxelles, 2007, 96 pages
Force d’inertie, Le cherche-midi, Collection Domaine privé, Paris, 1996, 61 pages. (Prix du Parlement de la Communauté française)
Mesures du possible, Editions L’arbre à Paroles, Amay, 2011, 148 pages.
Mademoiselle Grand et Monsieur Belle, MaelstrÖm, Collection Bookleg, Bruxelles, 48 pages
Un danseur évident. Éditions L’Arbre à Paroles, Amay, 2004, 43 pages.
Retours. Éditions L’Acanthe, Namur, 2001
Une quarantaine, L’Arbre à Paroles, Collection traverses, Amay, 1997, 55 pages.
Alexandre Kosta Palamas. Éditions Les Eperonniers, collection Feux, Bruxelles, 1996, 69 pages, ISBN 2871322805
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