Jalel El Gharbi


*

Traduit des Brandebourgeois de J.S Bach

Je traduis :
L’eau dans les canaux hollandais
Est de même composition que celle des nervures du Nil
Le vermeil palissandre d’un peintre flamand
Est de même tessiture
Que l’incarnat de la renaissance
Le chœur grec procède
Du même registre que l’orchestre berlinois
La métaphore du murmure est la même
Dans le Zadjal andalous
Que dans le poème d’Aragon
Il résulte de ces notes
Non pas que les choses sont identiques

*

Mais que le même est divers

Prendre un cheveu
Que l’amour a oublié
Le rapprocher de la lampe du jour
Le peser à l’aune des rêves
Un millimètre pour mille onces de bonheur
Pliez le cheveu en deux
Le rapprocher de ses lèvres
Et frôler la lampe qui y loge
Prendre le cheveu
Le caresser et retrouver l’once manquante


Arithmétique des couleurs

Et le vieux maître soufi répondit
Prenons la plus parfaite des formes,
L’alpha et l’oméga
Le Alif et le ya
La coupole
Celle dont s’inspirent l’œil et le ciel
La terre et le sein
Ajoutons-y une des couleurs relevées
Par le Grand maître de Murcie
Pour qui toute couleur est un superlatif
Le vert veut dire plus noble
Le noir signifie plus grave
Le blanc est synonyme de meilleur
Le rouge dit plus belle
Et je peins ma coupole en rouge
Non pas celui qui sied aux douaniers et aux gendarmes
Mais celui du Caravage
Celui du quirmiz et des tons qu’il a enfantés
Celui des cerises que chantent les poètes
De la coccinelle dans le silence de son envol
Celui qu’on dit de Florence ou du gingembre
De l’homme épris d’autres lendemains
De l’horizon et des joues de mon amour
Je marie le tout avec mon désir et une coupole
Dont le vert, le noir et le blanc donnent le rouge
Sur cette terre qui est moins bleue qu’il n’y paraît


La Passante
i.m José Ensch
J’aurais tant aimé planter un myosotis
Rue Marie Adélaïde
Le mettre si près du champagne matinal
A droite de la peinture
Juste en face des livres
Et tutti quanti.
J’aurais tant aimé marcher
Marcher
Jusqu’au parc où il y avait des canards
Du silence
L’ombre épaisse
Un carnet de poésie
Du vin et tutti quanti.
J’aurais tant aimé
M’asseoir à cette table
Où il y avait une plume
De jolis timbres
Une boîte de biscuits
Un crayon de soleil, un verre
Et tutti quanti
J’aurais tant aimé ouvrir la fenêtre
Voir passer la passante
Qui croit traverser la rue
Quand elle piétine mon cœur
Et qui ne sait pas que son visage
N’est qu’une image du temps
Et tutti quanti
Deux larmes ont suffi
Pour que j’écrive ce poème où je veux dire :
J’aurais tant aimé
Cueillir un myosotis
Si près des mots que tu aimais
« Tutti quanti » par exemple
Et tutti quanti

*

Jalel El Gharbi
Universitaire, écrivain tunisien. Auteur d’un recueil Prière du vieux maître soufi le lendemain de la fête publié aux éditions du Cygne, Paris en 2010.
Publie incessamment un roman En quête d’une ombre aux éditions Aden Paris.

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1 commentaire (+ vous participez ?)

  1. raysielavie
    Juil 25, 2022 @ 17:16:35

    Merci Jalel El Gharbi! Votre poésie comme une fenêtre ouverte sur la vie qui est dans l’instant, un ciel bleu sous un rond soleil jaune, des brins d’herbes, des fleurs , un ports aux voiliers blancs , un pot de confiture de groseille, les heures qui tournent sur les mots pleins du simple bonheur de vivre au gré du temps…

    Découverte fantastique d’un grand poète au cœur d’enfant! merci beaucoup Christophe!

    Aimé par 2 personnes

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