Venir des confins du monde sans prétention ni passé
Avoir l’avantage de ne regarder personne de haut
Les yeux au ras des yeux Tout découvrir
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Poète et nouvelliste, Dominique Gaucher a obtenu un baccalauréat et une maîtrise en sociologie de l’Université de Montréal. Comme sociologue, elle a publié plusieurs ouvrages scientifiques et a travaillé au Gouvernement du Québec de 1981 à 2015, à titre de conseillère, d’analyste, d’agente de recherche, de planification ou de liaison.
Dominique Gaucher a publié un premier livre de poésie aux Écrits des Forges en 1999, Solos. Lauréate du Prix Piché-Le Sortilège du Festival international de poésie de Trois-Rivières en 1995 ainsi que du Premier prix de prose de la Société littéraire de Laval, la même année, elle a fait paraître des poèmes et des nouvelles dans diverses revues littéraires, au Québec et dans la revue internationale Point Barre, à l’Île-Maurice. Elle a dirigé la revue Brèves littéraires en 2006-2007, et contribué à la préparation de l’anthologie The Echoing Years. An Anthology of Poetry from Canada & Ireland de John Ennis, Randall Maggs & Stephanie McKenzie, publiée en 2007 par le Center of Newfounland & Labrador Studies, du Waterford Institute of Technology, en Irlande. Présente lors de lectures publiques au Québec, elle a été la poète québécoise invitée au festival March Hare à Terre-neuve, en 2009.
La période est faste pour Le Taillis Pré. C’est en effet un autre recueil publié par la maison d’édition castellinoise qui a reçu le prix Mallarmé étranger – une première là aussi.
Décerné depuis 1937, le prix Mallarmé est l’une des plus grandes récompenses du monde francophone dans le genre de la poésie. Le prix 2022 va au poète français Christophe Mahy, pour son recueil À jour passant, paru chez Gallimard. Une nouvelle catégorie, le prix Mallarmé étranger, a été créée cette année, récompensant un traducteur ou une traductrice pour un recueil poétique traduit en français. Le prix Mallarmé étranger revient à Claude Le Bigot pour Par la vaste mer, traduction en français d’un recueil d’Andrés Sánchez Robayna parue au Taillis Pré.
Comme son nom l’indique, l’APPF a pour objectif de promouvoir la poésie francophone, classique et contemporaine. Les actions qu’elle mène dans cette optique sont diverses. Parmi elles, un prix littéraire, décerné pour la première fois en 2022, récompense un recueil francophone récent.
Trois finalistes avaient été dévoilés fin juillet :
Matthieu Freyheit pour Où es-tu jeune homme, La crypte
Carl Norac pour Un verre d’eau glacée, Le Taillis Pré
Jean d’Amérique pour Rhapsodie rouge, Cheyne
C’est donc finalement le Belge Carl Norac qui remporte le prix pour le recueil Un verre d’eau glacée paru aux éditions Le Taillis Pré.
Les amants sont décortiqués, examinés à la loupe. Leurs avantages et leurs inconvénients, leurs petites habitudes et leurs faiblesses, leurs avancées et leurs inévitables reculs, ciselés dans une prose poétique à travers le prisme amoureux et teinté de sarcasme de l’amante.
Au cœur d’une Provence d’adoption, Perle Vallens écrit et photographie. Ecrire c’est explorer l’intime et le monde, porter sa voix pour toucher, à travers des récits et poèmes publiés en revues littéraires et recueils collectifs. Ceux qui m’aiment est son premier recueil de poésie.
Le livre sera présenté au salon du livre de haïku, samedi et dimanche prochain entre 14h et 18h au Centre Andrée Chedid à Issy les Moulineaux en Île-de-France.
NOCTURNES
Haïkus de nuit
Collectif francophone de haïkus dirigé par Monique Leroux Serres
Après-lire de Christophe Jubien
11,5 x 18 cm – 128 pages
ISBN : 978-2-37679-069-3
Sortie : Novembre 2022
Prix : 18€
LE SUJET
Le haïku et la nuit sont bons compagnons. C’est un poème souvent écrit en solitude, en son for intérieur, comme quand la nuit nous ramène à nous-même. La nuit est un grand moment d’inspiration. Avec l’immensité du ciel étoilé, les ombres et les lumières, les bruits émanant des ténèbres, elle est caisse de réso-nance de nos vies. Elle nous conduit au bilan de la journée, au questionnement sur l’avant et l’après.
Extrait de la préface de Monique Leroux Serres
L’ARGUMENTAIRE
« Cette anthologie, je l’ai parcourue sur la pointe des cils, du crépuscule au petit jour, en essayant de ne pas trou-bler par mes pensées le bruissement des insectes et le brame du cerf. J’ai lu chaque haïku avec lenteur, comme on s’abaisse à ramasser un ver luisant dans l’herbe hu-mide, en remerciant pour la lumière. »
Gazouillis du soir –
une petite pluie profite du jardin
Extrait de l’Après-lire de Christophe Jubien
LA COORDINATRICE
Monique LEROUX SERRES
Après une enfance en Mayenne, et une vie professionnelle à Paris, Monique Leroux Serres vit à Angers. Elle écrit des récits : L’alphabet à l’ombre de ma mère Éditions L’Harmattan, 2008 ; La Visiteuse, récit, Éditions du Petit Pavé, mars 2016 ; Cendre et rosée – De Céneré à Ryokan – Éditions Unicité, 2017 ; Petites Épiphanies, Éditions du Petit Pavé, 2019
Elle écrit aussi des haïkus,et des haibuns : Jour au petit point , un recueil de haïkus, Éditions Pippa coll Kolam, 2013, De fougère en libellule – sur le chemin de halage de la Mayenne -, Éditions Pippa coll Kolam, 2015. Journal de voyage sous forme de haïbun mêlant prose et haïkus.
Elle a adapté en français : Chiyo-ni, une femme éprise de poésie, Éditions Pippa, 2017, 200 haïkus traduits et présentés avec Grace Keiko ainsi que Au bord de mon chapeau d’été, recueil de haikus en japonais de Grace Keïko, Éditions Pippa, février 2018 Elle est adhérente de l’Association francophone du haïku (l’AFH), de l’Association francophone des auteurs de haibuns (l’AFAH) et participe régulièrement à des revues. Depuis septembre 2019, Monique Leroux Serres a créé et anime le Kukaï d’Anjou. Voir sa fiche auteure à la maison des écrivains et de la littérature (la MEL) et la page Facebook : Kukaï d’Anjou.
L’ILLUSTRATRICE
Anna Maria RICCOBONO est diplômée de l’Ecole Emile Cohl à Lyon. Après avoir réalisé plusieurs œuvres de communication visuelle, elle fait ses premiers pas dans l’édition en 2016 en créant une iconothèque destinée à accompagner des textes de poésie asiatique, en collaboration avec les éditions Pippa.
Les estampes d’Hokusai et de Yoshida, dont elle s’est imprégnée, ont largement influencé son style graphique doux et précis.
sans fin la maladie d’une phrase obsède l’aventure même de troquer le jazz de la ligne pour un ancrage plus profond et aussi souvent que possible atteindre le cylindre de métal sa fabrication et lentement tisser la suie sur le songe de la page
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les avenues se multiplient tant et tant que les rues familières d’autrefois ne sont plus reconnaissables dépaysé en quelques pensées peu s’en faut que tout me quitte comme un essaim d’abeilles délaissant la ruche sans plus de dieu pour guide avec la seule confiance des chemins où se croisent les mots incertains
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Poète et éditeur, Paul Bélanger a organisé pendant plusieurs années des lectures publiques de poètes et d’écrivain·es à Montréal. Depuis 1982, il publie des textes et des poèmes dans des revues au Québec et à l’étranger. Certains de ses poèmes ont paru dans des anthologies et quelques-uns ont été traduits en espagnol et en anglais. Il a publié plusieurs recueils aux Éditions du Noroît, dont il a été directeur littéraire. Il a également créé un livre d’artiste, L’Hôte, avec l’artiste Jean-Pierre Sauvé en 1994. Il a consacré une partie de son temps à l’enseignement en donnant des cours et des ateliers de création littéraire à l’Université du Québec à Montréal. Il fut membre du comité de rédaction de la revue Liberté dès 1998. En 2010, il remporte le prix Alain-Grandbois pour son recueil Répit.
Paul a été mon soutien lors de la publication de mon premier recueil Les jours fragiles aux éditions du Noroît.
C’est toujours au moment où ça craque que l’on pressent de quel bois se nourrit la foudre ! Après que la mort assoiffée l’eût léché, après qu’elle l’eût roidi de son souffle définitif et brûlant, elle laisse l’arbre exsangue sans bras, aussi noir que son ombre, puis s’en va.
Aucun oiseau en vol ni perché, pas même le blanc d’un nuage. L’azur insolent revenu inonde toute chose, à quoi bon l’implorer !
La terre fume encore et l’homme se terre au plus profond, tant les yeux sans eau le brûlent, tant l’air est âcre, qu’il fait la salive rare. Seuls les cœurs pleurent à petits bruits, sans que les mots passent les lèvres, tant elles sont sèches.
une lueur de ciel calciné
à l’approche d’une nuit anthracite
où le sol gris de cendre
collera aux pas des perdus
bien après l’irruption d’une colère minérale
propre à statufier dans une gangue d’éternité
tout être ne s’étant pas trouvé.
Mais chez les animaux comme chez les hommes, déjà dans les têtes germe le vert.
De l’effacement.
Lorsque l’on doit tomber de soi,
on s’ingénie sans le moindre effroi
à monter sur le barreau
pas forcément le plus haut,
mais celui qui manque,
à l’échelle.
S’approcher de soi pourtant
mais sans jamais s’atteindre
être absent à soi même
dans la poussière
on s’est dépris de son pas
le corps pèse si peu.
On se dérobe même à ses chimères qui de temps en temps affleurent, mais à quoi bon ! Mais pour qui s’efface, il y va de l’in/ tranquillité, de l’in/ saisi, voir de l’angoisse à ne pas avoir de poids sur ce qui s’évanouit. Cette émotion vous prend à la gorge, mais à bas bruit et remplit à l’évidence tout l’espace. Le si peu d’espace perçu et pourtant on glisse vers le rien qu’on ne peut retenir.
On est avalé par le monde, une disparition mais en sourdine, disons plutôt un effacement où les contours se dissolvent. Les deux ff du redoublement de la consonne frottent d’une façon sourde en les disant et participent d’une façon feutrée comme le ferait une gomme à crayon sur du papier.
Pas de destruction fracassante, juste quelques traces à peine visibles, puis plus rien. C’est l’oubli. L’image s’en est allée, le corps peut-être aussi, dans un battement d’ailes, de cils ! Reste, en y regardant bien, si peu à vrai dire, un souffle, un vague reflet perçu et encore pas sûr !
*
A son Ombre
A son ombre
L’arbre se colle
Cool, feuille à feuille
à l’arbre collent les feuilles
l’arbre collé, décollé feuille à feuille
à la mémoire
à la mer noire
et même quand la mer moirée
danse sa carcasse Caracas sombre
vers le ci
vers les elles
et que sent-on en nous ?
sentons pousser des ailes ?
A l’an vert pousse le vert
à l’intérieur pas à l’envers
vert pré Prévert
c’est la reverdie du ver
ou la – reverdie du printemps –
temps du dit printemps
*
De la gargouille On oublierait presque en passant vite que des pieds aux fesses, elle est scellée dans la pierre, dans le passé de la pierre, dans le sacré de la pierre. Cette figure conjugue l’ambivalence de l’ange et du démon, au-delà de l’emprise du minéral on la croirait en lévitation : est-ce l’aspiration au divin qu’elle nous donne à voir ? Ne dirait-on pas qu’elle la cultive en se propulsant le buste vers les cieux ?
crachin d’automne l’araignée fait trampoline dessous le vide
Reconnaissons que l’eau a beau couler, la gargouille reste imperturbable les ailes mouillées, où ce qui en tient lieu, enchâssée dans le bâtiment. Elle ne peut que régurgiter, surtout par temps de pluie. L’eau en mince filet vient choir sur le pavement de granit formant une mousse verte. Cette action renouvelée au fil des ans finit par faire coupe, tant sa régularité a raison du roc jusqu’à l’éroder.
Pierres gothiques aussi grises que les nuages ciel de crise
Chacun de nous cherche à repousser la limite, où l’intime et le dehors se confondent, dépasser la notion de temps voire de l’abolir. Oui, on l’oublierait en voyant cette tête imperturbable se mettre à bouger au passage de nuages menaçants, à vous donner le vertige. La voilà cette forme blanchie qui se métamorphose, prend de la plume, bouge. Sur ce promontoire qu’il s’est attribué : un pigeon se confondant avec la pierre, se hausse du col en une gesticulation de cane.
mauvaise augure le pigeon gris de payne toise à l’entour
Du parvis, toute cette masse minérale semble se mouvoir, ne va-t-elle pas fondre sur nous
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Plasticienne, cours en recherche contemporaine, donne aussi des cours d’ A.P en relation avec l’écrit, éditrice en livres pour bibliophiles, Cmjn éditions. Sensible à l’écriture japonaise (haïkus, tankas, haïbuns). Parutions de plusieurs livres sur le sujet. Contributions à diverses anthologies et auteure dans diverses revues dont la revue belge Traversées. Choupie Moysan est née à Nantes, elle vit à Vannes France .
Les anges comme je les sais n’ont qu’un seul travail qui est d’arrêter de suspendre interrompre la vie ordinaire l’eau courante de la vie comme on dresse un barrage sur un fleuve pour avoir un peu plus d’eau d’énergie Après on peut reprendre poursuivre après on peut entendre la bonne nouvelle de vivre après seulement Les anges ne sont pas des personnes ne sont que des silences de purs gardiens si on regarde bien On ne peut en voir souvent dans les jardins publics auprès d’une femme penchée sur son enfant ou d’un arbre incliné sur son ombre
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Les mots traversent l’éther de la page. A peine veut-on les saisir, entre deux doigts de fée, qu’ils meurent et renaissent plus loin : comme à ce jeu, vous en souvenez-vous, où il est question d’un bois, et où demande est faite au loup de signaler sa présence. Semblablement, le lecteur y est lorsque l’auteur n’y est plus, tous deux se cherchant en vain dans la forêt de Langue d’Or.
Lire. Déplier l’échelle qui est dans l’âme, dont les degrés se perdent de vue, vers le haut comme vers le bas.
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Le visage du lecteur est plus nu que l’air et son corps est souple, délivré de l’étroitesse d’agir. Allongé, bras et jambes négligemment appuyés sur plusieurs continents, il compte les étoiles dans le blanc orageux de la page. Plus il s’approche de son rêve, plus le silence gagne sur lui.
Cérémonie du simple, exercice de la patience. Lire est un chemin, parmi tant d’autres. Croître en clarté, voilà le but.
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La vie passe au-dehors et sa vitesse est celle de la lumière. Les deux mains sur un globe de papier transparent, contemplant les flocons d’encre noire qui tombent à l’intérieur, il épouse la vitesse plus considérable encore de la lenteur. Il regarde impassible les blocs de temps pur, venus d’un ciel sans profondeur : Eloge de l’immobile. Supplique du muet.
Les noms possibles du lecteur : Méditant par grand froid. Mâche-le-vent. Creuse-l’azur. Songe-blanc. Passeur. Hirondelle du ras de la page.
La mort tombe dans la vie comme une pierre dans un étang : d’abord, éclaboussures, affolements dans les buissons, battements d’ailes et fuites en tout sens. Ensuite, grands cercles sur l’eau, de plus en plus larges. Enfin le calme à nouveau, mais pas du tout le même silence qu’auparavant, un silence, comment dire : assourdissant.
Le silence est la plus haute forme de la pensée, et c’est en développant en nous cette attention muette au jour, que nous trouverons notre place dans l’absolu qui nous entoure.
Les rires ce sont les larmes qui se consolent toutes seules.
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Christian Bobin est un écrivain et poète français.
Après avoir étudié la philosophie, il a travaillé pour la bibliothèque municipale d’Autun, à l’Écomusée du Creusot et a été rédacteur à la revue Milieux; il a également été infirmier psychiatrique.
Ses premiers textes, marqués par leur brièveté et se situant entre l’essai et la poésie, datent des années 1980. Ils sont publiés aux éditions Brandes, Paroles d’Aube, Le temps qu’il fait, chez Théodore Balmoral, et surtout chez Fata Morgana (où il publie notamment Souveraineté du vide et Lettres d’or).
Connaissant le succès à partir notamment d’Une petite robe de fête (1991), il reste un auteur assez discret.
En 1992, il rencontre un autre succès, grâce à un livre consacré à saint François d’Assise : « Le Très-Bas », Prix des Deux Magots en 1993 et Grand Prix catholique de littérature. Il publie, en 1996, « La Plus que vive », hommage rendu à son amie Ghislaine, morte à 44 ans d’une rupture d’anévrisme.
Ses thèmes de prédilection sont le vide, la nature, l’enfance, les petites choses.
Chroniqueur, il tient la rubrique « Regard poétique » pour le bimensuel Le Monde des Religions. Il a également préfacé ou postfacé quelques ouvrages, notamment deux livres de Patrick Renou.
Il reçoit le Prix d’Académie 2016 pour l’ensemble de son œuvre.
Il s’est éteint ce 23 novembre 2022 dans la plus grande discrétion. De la même façon qu’il mena sa vie.
Pro/p(r)ose Magazine boucle l’année 2022 avec un sommaire éclectique où vie et mort se confondent. Des contributions exclusives, de nouvelles créations littéraires et poétiques bien sûr mais aussi des découvertes et redécouvertes enthousiasmantes pour votre plus grand plaisir.
Nous vous en souhaitons une bonne lecture.
Par ailleurs, toute la rédaction vous souhaite (d’ores et déjà) de belles fêtes et vous donne rendez-vous 29 janvier prochain pour un nouveau numéro.
K.Cayrat, fondatrice et directrice de publication de Pro/p(r)ose Magazine
Ne manquez pas notre prochain numéro en ligne le 29 janvier prochain !
D’ici là, n’hésitez pas à (re)découvrir nos numérosdont nos numéros thématiques Aventure-s (été 2022) / Jeu-x (juillet 2021) / Féminismes et de la place des femmes dans nos sociétés contemporaines (mars 2020).
Et nous vous invitons à rester ouverts aux impromptus…
Pro/p(r)ose Magazine, le dernier dimanche, tous les deux mois.
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