Bonjour à toutes et tous, nous avons le grand plaisir de recevoir aujourd’hui au Questionnaire de P(oés)I(e) Sylvain Turner.
Présentation:
Titulaire d’une maîtrise en études littéraires de l’Université du Québec à Montréal, Sylvain Turner est concepteur-rédacteur, traducteur, parolier et chroniqueur littéraire à l’émission Libraire de force, diffusée sur les ondes de CIBL. Il a publié des textes dans les revues Gaz Moutarde, Possibles et Exit, notamment. Il est l’auteur de deux recueils de poésie, dont In extremis, un livre publié en 2022 accueilli très favorablement par les critiques, qui a été traduit en anglais par l’auteur et journaliste Colin McGregor. Pour en savoir plus sur les activités d’écrivain de Sylvain, suivez-le dans Facebook : https://www.facebook.com/sylvain.turner

1/Qu’est-ce qui vous a amené à la poésie?
La lecture de poètes à l’adolescence, et particulièrement ceux du mouvement de la contre-culture, dont Denis Vanier, Lucien Francœur et Josée Yvon. Leurs poèmes rock and roll ressemblaient à la musique que j’écoutais. L’attitude et les thèmes étaient ceux du rock. On était loin du Soir d’hiver de Nelligan, qu’on nous avait faire lire au secondaire, et je trouvais ça génial. J’ai ensuite découvert les œuvres d’autres poètes québécois, dont celles de Roland Giguère, Gilles Hénault, Paul-Marie Lapointe et Gaston Miron, puis celles des surréalistes (Breton, Soupault, Éluard et compagnie). La lecture de ces œuvres m’a amené à essayer, à mon tour, d’écrire de la poésie.
2/Pouvez-vous nous indiquer un livre que vous aimez particulièrement?
Il y en a deux que je relis à l’occasion. Il s’agit des derniers recueils de Denis Vanier, ceux qu’il a écrits alors qu’il savait ses jours comptés, soit Porter plainte au criminel et L’Urine des forêts. Plusieurs pages de ces œuvre recèlent de véritables perles.
3/Pouvez-vous nous dévoiler un ou deux de vos poètes préférés et pourquoi?
Rimbaud et Vanier, pour le génie de leurs œuvres. Le premier a défini en quelque sorte la nature du poète contemporain, cet être condamné à se faire voyant, à se livrer à l’alchimie du verbe en étant absolument moderne. Le deuxième a consacré sa vie à une écriture des limites, mettant en pratique les préceptes définis par le premier, aussi bien dans sa vie que dans son écriture.
4/Quelle est votre dynamique d’écriture?
Je prends beaucoup de notes dans des carnets quand je marche ou lorsque je lis. Les images et les réflexions que je consigne servent de matière première à mes textes. J’écris surtout le matin, question d’être au meilleur de ma forme quand je prends la plume. Quand je sens que j’ai épuisé mon capital d’énergie créative, je passe à la lecture. Je lis plusieurs centaines de pages par semaine, principalement des recueils de poésie, des récits, des romans et des essais, ce qui contribue à nourrir mon écriture. Par ailleurs, je réécris davantage que j’écris. Je peux travailler un même poème des dizaines et des dizaines de fois avant de considérer qu’il est terminé. C’est un long travail d’orfèvre, mais qui porte ses fruits.
5/Pouvez-vous nous présenter votre dernier recueil, sa naissance, son thème, ses inspirations?
In extremis est le récit d’une guerre intime que le poète se livre au cœur de territoires assiégés, où le langage puise souvent sa plus belle lumière dans les encres les plus sombres. Il exploite plusieurs thèmes, dont ceux de l’amour, de la mort et de la résilience. Il est suivi de Tableaux d’apocalypses ordinaires, une suite de récits poétiques où se croisent des personnages d’extrême déroute. Recueil en prose, une forme qui s’est imposée dès le départ, In extremis exploite le narratif pour entraîner les lecteurs et les lectrices dans l’univers poétique, le lieu de tous les possibles. Il s’agit donc d’un recueil d’une grande lisibilité, accessible non seulement aux adeptes, mais également aux lectrices et aux lecteurs qui n’ont pas l’habitude de lire de la poésie.

6/Pour-vous nous en offrir un ou deux extraits?
ÉTOILE DU MATIN
Nous admirions la splendeur des aurores de février, drapés de notre fragilité de mal-aimés. Elle émergeait d’une aventure sans extase, étoile du matin fardée de promesses d’amour absolu, de haine inconditionnelle. Son mascara avait la blancheur de nos nuits, ses baisers frelatés embaumaient les alcools de notre misère. Je m’égarais dans les angles morts de son regard, me perdais dans ses étreintes éthyliques. Quand je dormais, elle trafiquait les lignes de nos mains et mettait le feu à nos cartes du ciel, déterminée à réinventer notre destinée.
EN DÉSESPOIR DE CAUSE
Des oiseaux se réfugiaient dans les encres de son dos pendant que la nuit couvait ses homicides. Elle tentait de dissimuler son regard chargé de grossesses interrompues in extremis et de viols non déclarés derrière un sourire de vierge offensante. Elle portait ses cicatrices comme des aveux, collectionnait les bris de condition. Son corps recouvert de poèmes du Christ et de traces de violence avait l’éclat d’un attentat à la pudeur. Elle craignait la réincarnation et la brutalité policière, le destin et la psychiatrie. Dans ses moments de faiblesse, elle falsifiait le résultat de ses biopsies pour s’offrir le luxe d’aimer une dernière fois.
7/Y a-t-il un site de poésie que vous nous recommanderiez et pourquoi?
Je visite régulièrement deux blogues, celui de Catrine Godin (https://trajectoiresverslincertain.wordpress.com) et le tien (https://christophecondello.wordpress.com). J’adore le travail de Catrine, une poète et artiste multidisciplinaire qui alimente son blogue depuis des années. Quant au blogue de Christophe, il me permet de découvrir des poètes de partout grâce à ses mises en lumière, notamment.
8/Le mot de la fin…
J’achève l’écriture de mon prochain recueil avec une grande fébrilité, fasciné par ce qui s’écrit, ce qui est de bon augure. Il s’agit d’un recueil en prose qui constituera une suite logique à In extremis, d’un recueil qui sera touchant de vérité. Entre-temps, j’invite les lectrices et les lecteurs à lire In extremis, qu’ils peuvent se procurer au www.editionstnt.com.
Voilà, un très grand merci Sylvain d’avoir joué le jeu du Questionnaire de PI et je te souhaite tout le succès que tu mérites amplement.
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