Palmarès Poésie 2022 – Mes 26 (+1) « plus meilleurs » recueils de poésie


Bonjour à toutes et tous,

et bonne année 2023.

Dernière journée de l’année 2022, je me livre ici à un petit jeu, celui de citer les recueils de poésie qui m’ont le plus émerveillé ces 12 derniers mois.

Une année 2022 riche de poésie et de satisfaction.

26 recueils plus 1, puisque l’un des livres est techniquement paru en décembre 2021 mais incontournable à mon sens…

Voilà donc mon énumération, en toute subjectivité, sans ordre de préférence (merci à tou(te)s les auteur(e)s et maisons d’éditions pour cet excellent travail).

Et une pensée très spéciale pour mes amis, Aimée Dandois tellement inspirée, Ricardo Langlois pour son dévouement immense à la poésie ainsi que sa gentillesse et Pierre Turcotte pour son implication et sa confiance.

Merci aussi spécial à Jean-Claude Goiri et à Tarmac Éditions pour leurs si précieux recueils.

Ma liste:

Exercice de joie de Louise Dupré (Noroît)

Troisième recueil d’un triptyque sur les possibilités du poétique face à l’horreur et à la détresse, Exercices de joie prend le risque de la tendresse en choisissant la douceur comme arme de combat. Dans une écriture fluide qui alterne entre prose et vers, les poèmes explorent la notion de joie, non seulement comme quête d’apaisement, mais comme responsabilité à l’égard des autres : le souci de leur apporter espérance.

La fabrique du noir de Virginie Chaloux-Gendron (Noroît)

J’ai écrit ce livre sur le chemin du retour entre ma fin et demain. En suivant mon ombre, j’ai retrouvé ma voix, lavée à grande eau. Elle semblait m’attendre. Je l’ai regardée. J’ai eu peur de m’y mettre les pieds. Le temps s’est suspendu. Le tableau est devenu solide. Je m’y suis accrochée. Puis j’ai compris. Parler. Voilà le voyage auquel je me suis conviée. 

– VCG 

L’angle noir de la joie de Denise Desautels (Gallimard) (décembre 2021, mais impossible de ne pas le citer….)

On retrouve dans L’angle noir de la joie le rapport trouble que l’auteure entretient avec l’émotion de la joie, tant dans la vie que dans l’écriture : «J’aime le mot joie, écrit-elle, j’en aime la texture sonore énigmatique, la part obscure, l’étrangeté même, et la fausse brièveté. J’aime qu’il offre une résistance, qu’il ne réponde pas directement – comme tous les autres qui font la poésie, choisis un à un, avec intention et précaution – aux questions que nous nous posons, qu’il n’arrive, en fait, qu’à en soulever d’autres, vrillant l’opacité du monde sans en chasser l’inquiétude, sans en refuser la part troublante d’informulable et d’ambigu.»

Le muguet rouge de Christian Bobin (Gallimard)

Mon père mort me montre deux brins de muguet rouge. Il me dit qu’un jeune homme là-bas, dans une montagne du Jura, a inventé ce muguet et envisage de le répandre sur le monde. Il m’invite à aller le voir. L’homme tient une auberge au bord d’un lac. J’y mange une omelette, bois un vin de paille. Quand je lui parle des fleurs, mon hôte me conduit au-dessus d’un pré en pente : des dizaines de muguets rouges fraîchement poussés s’apprêtent à incendier la plaine. Je reviens vers mon père, lui demande qui est cet homme. Il me répond que c’est une partie de sa famille dont il ne m’avait encore jamais parlé. Va les voir, me dit-il, apprends à les reconnaître.

Quand je ne dis rien je pense encore de Camille Readman Prud’homme (Oie de Cravan)

Quand je ne dis rien je pense encore explore en poésie ces moments où la conversation s’interrompt et où les choses à dire restent en nous, parce qu’elles nous apparaissent trop incertaines ou trop particulières pour être partagées. Ces instants où ce qu’on pense se sépare de ce qu’on dit, où parfois notre visage dit des choses que nous préférerions garder pour nous, où il nous arrive de parler en retard. Entre ce qui se manifeste en nous-mêmes, ce que nous montrons et ce qui est perçu se créent des écarts, que nous tendons toujours plus à taire qu’à expliciter. Chacune, chacun, se retrouvera dans la fragilité de ces instants si rarement nommés.

Résoudre d’Alexandre Morneau-Palardy (Hexagone)

Le poète cherche à prendre à plein bras les failles et les doutes, les apories de filiation et l’émerveillement de pay-sages encore à construire. Dans une langue où courent des rires en chapelets, il apprivoise ses différentes mues. Pour que tout tienne, il lui faudra tisser une généalogie familiale et littéraire, et ne pas craindre quelques éboulements.

Une flambée mes mains d’Alycia Dufour (Poètes de brousse)

Premier recueil d’Alycia Dufour, Une flambée mes mains déploie une écriture toute en finesse qui prend ancrage dans la tradition pour mieux la faire trembler. Campés dans un décor hybride, à cheval sur le folklore et une sorte d’apocalypse intime, les poèmes se déploient tel un fil savamment tendu entre père et mère, enfance et renaissance, nature et barbarie, faisant du contraste le coeur battant et entêté de la métaphore.En résulte un univers fougueux et résolument original où les légendes recommencent le monde comme « fièvre sur peau grise ».

La sortie est une lame sur laquelle je me jette de Marie-Élaine Guay (Poètes de brousse)

Avec une plume toute à la fois tranchante et intimiste, Marie-Élaine Guay s’efforce, dans ce deuxième recueil de poésie, d’explorer sans ambages les souterrains de l’expérience de la maternité. La sortie est une lame sur laquelle je me jette embrasse, sans ordre de grandeur, l’amour foudroyant et la funeste fatigue des « femmes de notre siècle/[qui]/tombent comme des mouches/dans la pénombre des jardins ».

Baisers soufflés de Patrick Devaux (Pierre Turcotte Éditeur)

L’Éternité s’accomplirait-elle avec nos traces de passage invectivant l’oubli ?
Le poème se veut vie dans les reflets possibles, le poète ne pouvant se satisfaire de l’érosion du temps à laisser disparaître les gestes.
C’est en cela que Patrick Devaux propose des « baisers soufflés » entre mémoire, écho, quais de gare et futur avec, peut-être, ce train qui emmène « la passagère de l’oubli ».
Ces poèmes verticaux où chaque mot pèse, chaque mot compte, chacun a sa manière propre, le temps d’un arrêt de la pensée, mais aussi où le sens s’élève et s’échafaude, nous mènent en gare, justement, avec la passagère de l’oubli.

La minute passe sur les épaules de ta voix de Geneviève Catta (Pierre Turcotte Éditeur)

Mourir d’aimer. La petite mort à aimer l’autre qui part. La trace reste forte, et on continue, malgré cela ; on avance avec son propre cœur. Sur l’implosion de la beauté.

Dans ce premier recueil de poésies, La minute passe sur les épaules de ta voixGeneviève Catta propose une suite de courts poèmes où elle explore l’émiettement de l’amour et son inépuisable réveil.

S’inspirer de la matière de Michel Létourneau (Écrits des Forges)

Le poète Michel Létourneau poursuit sa démarche poétique avec un recueil à la fois grave et sobre intitulé S’inspirer de la matière.

Le poète y brosse le portrait d’un monde qu’il examine à la loupe. Il l’interroge avec minutie, le questionne sans relâche au moyen de ses observations fines. Il en fait un portrait précis, qu’il cisèle au scalpel à l’aide d’images donnant la sensation que, d’époque en époque, devant la mort comme à la naissance, tout pourrait se jouer autrement, se faire différemment. Or, écrit-il, chacun choisit de poursuivre selon un tracé prédéterminé qui mène à la perte. 

La révolte des pierres de Nora Atalla (Écrits des Forges)

Dans son plus récent recueil de poésie, intitulé La révolte des pierres, Nora Atalla poursuit la mise en place d’une réflexion détaillée sur l’importance d’élaborer un monde humain plus lumineux, débarrassé de ses facettes les plus sombres.

Trop d’enfants sur la Terre de Paul Chanel Malenfant (La Grenouillère)

À partir de troublantes scènes d’enfance, entre innocence et violence, Paul Chanel Malenfant accomplit dans Trop d’enfants sur la Terre un parcours réflexif où s’exprime une vision de la condition humaine sollicitée à la fois par la conscience tragique et par un émerveillement sensuel devant la beauté du monde.

Survivaces de Genevière Rioux (Mémoire d’encrier)

Survivante d’un féminicide, Geneviève Rioux écrit ce recueil de poésie comme une reprise de pouvoir et de liberté. Au fil des poèmes se construit une réflexion sur l’improbable répétition de la violence vécue de mère en fille en des lieux et des temps éloignés. La poète donne voix à la souffrance d’une famille, à celle des ami.es, des proches et des connaissances, toutes et tous victimes de ces violences. Survivaces invite à penser la réparation autrement, non par cet autre qui inflige la violence, mais par ces autres qui apaisent et accompagnent les survivantes

Atiku utei Le coeur du caribou de Rita Meśtokośho (Mémoire d’encrier)

Atiku utei, « le cœur du caribou », c’est la force d’un peuple et sa grande humilité. Les Innus ont marché à travers les tempêtes de la vie. Ils ont traversé des montagnes pour se nourrir de l’esprit du caribou. Ils puisaient en lui leur force, leur courage, leur savoir. Au son du tambour, l’appel de la forêt aiguise l’instinct.

La poète au cœur du caribou entend la voix de Madiba, Nelson Mandela. Elle entend les tambours jaillir et leur son ressemble à ceux de son peuple. Lui, son cœur, c’est la paix et cette poussière qui soulève le ciel à l’infini. Elle plonge dans la rivière des poèmes, sables neiges libres. Homme frère grand-père la voix de Madiba lui parle.

Atiku utei invoque le pouvoir de guérison du cœur. Le mot liberté n’existe pas en innu-aimun. Le caribou est la liberté.

L’être à l’enfant de Sophie Brassart (Éditions Tarmac)

Sophie Brassart, poète et peintre, interroge l’éphémère de nos présences en travaillant le geste poétique. 

la potence du tronc,
les horloges des hommes
couchées par le vent
– la houle porteuse d’échancrures féroces –

La femme meurt en juillet de Mélanie Béliveau (Mains libres)

Dans ce recueil, Mélanie Béliveau traite du cancer, de son traitement et des séquelles tant physiques que psychologiques. Sans détour aucun, la poète fait vivre au lecteur le parcours qui va de la chirurgie jusqu’à sa reconquête de la féminité et de la suite des choses. Ce périple est celui d’une femme en particulier, mais il représente également celui de tant d’autres. Tout y est abordé, parfois très délicatement, parfois crûment. Il y est question de l’anesthésie et de la chirurgie, de la conscience embrouillée de la poète quand elle sort des « vapes », de ce qu’elle retient de son expérience des bandages, du drain, du retrait des équipements, des traitements, de l’équipe médicale… Au cours de ce long cheminement, on lit, en poésie, le sentiment d’abandon, ce moment où la vraie bataille commence pour la poète, qui aborde ensuite la période du « foulard », des vêtements amples cachant la poitrine et de tout ce qui domine les premiers jours de convalescence à la maison. Arrive ensuite une certaine révolte.

Climax de Francis Catalano (Mains libres)

La marche des saisons se poursuit dans le désordre comme si le climat avait brassé les cartes ou si une tornade était passée dans le jeu des relations humaines. Pendant qu’un territoire se campe au cœur d’un couple, que se retrouve l’art d’aimer, un monde fond inexorablement et confond ses propres cycles. On assiste alors à un dialogue entre l’environnement et l’humain, entre les sonorités, les mots, les âges et les générations. Les saisons se croisent, les bouleversements et les joies aussi, tout ça incarné dans un vocabulaire imagé, une langue surprenante, où le plaisir de jongler avec les mots côtoie l’urgence de raconter certaines métamorphoses et ce qu’il y a de beau dans chacun des cycles qui rythment nos vies.

Atlantique de Célestin de Meeûs (Tétras Lyre)

Atlantique narre l’histoire d’un voyage au gré des vents, en bateau-stop depuis la Bretagne. C’est l’histoire d’un voyage dont la destination importe peu, « soit au nord soit au sud », et dont le moyen finit par dépasser la fin. ô Atlantique j’ai dormi sous tes vents du nord-nord-ouest j’ai vu ton phare cette grande teigne rouge sombrer sur tes eaux tour à tour bleu pourpre ou vert bouteille et ne laisser le ciel qu’à la dérive de ses présages.

Outre de Pierre Ouellet (Éditions du Passage)

Dans ce nouvel opus, le poète primé Pierre Ouellet se livre à une exploration détaillée de la finitude qui nous guette depuis le premier jour et de la dépossession de l’être. Dans une langue scandée, au rythme envoûtant, qui se déploie au fil des pages sans jamais déroger à une universalité choisie du propos, il s’applique à déconstruire la mort annoncée du sujet. Comment dépasser sa propre fin ? Les mots peuvent-ils nous sauver ? L’écriture renvoie sans cesse le poète à sa finitude, jusqu’à l’apaisement, le renouement avec le soi, ses doubles et ses fantômes.

La poussière nous cerne parce qu’elle nous ressemble de Virginie Fauve (Lézard amoureux)

À travers une approche tantôt plus narrative, tantôt plus dépouillée, la poésie de Virginie Fauve questionne les assises, tant féministes qu’identitaires, qui teintent sa position ambiguë d’autrice confrontée à son héritage littéraire et à ses propres limites énonciatives. la poussière nous cerne parce qu’elle nous ressemble est divisé en trois parties (« que répondre sans arracher ta bouche des mots », « il faut renverser la toponymie avant qu’elle nous efface du paysage » et « rien de plus qu’une grande fatigue ») qui font défiler les multiples référents qui constituent la poète, mais qu’elle rejoue, détourne, réécrit.

J’achève mon exil pour un retour tremblant de Natasha Kanapé Fontaine (Prise de parole)

Lauréat du Prix des écrivains francophones d’Amérique, le recueil est une superbe porte d’entrée qui permet de renouer avec l’écriture de Natasha Kanapé Fontaine à ses débuts, une écriture de l’identitaire et de l’intime qui préfigure déjà la démarche militante qui s’affirmera dans ses œuvres subséquentes.

La constellation du crabe de Monique Adam (Pleine lune)

Livre de deuil, mais aussi livre sur la jubilation de l’enfance, sa force intrinsèque et la beauté inouïe de son regard qui nous accompagne comme une éternelle coda.
L’ordre nécessaire du monde n’existe plus devant le corps souffrant de l’enfant qui devient le lieu d’un haut combat. Chaque jour éloigner l’haleine du drame, de l’absurde et de la mort dans la chambre aseptisée.
Comment taire l’étrangeté de la maladie qui œuvre et qui tue, le quotidien d’une drôle de guerre aux portes de la science impuissante?

Le programme double de la femme tuée de Carole David (Herbes rouges)

C’est un été ordinaire du XXIe siècle. La canicule écrase Rome, où l’écrivaine pose ses valises. Qu’est-elle venue trouver parmi les foules de touristes, elle, l’Italienne née déracinée en Amérique, qui ne parle la langue qu’avec hésitation? Dans les rues de la capitale, à la gare ou au musée, la vie exubérante côtoie le souvenir de mille tragédies. Rome est le théâtre d’une violence répétée, ce cinéma où l’on s’assoit, agitée, pour assister au programme double de la femme tuée. Au fil de six mois d’errance, la poète parcourt la ville, attentive aux fantômes qui passent. Ce livre pourrait être le compte rendu de sa conversation avec les esprits. C’est un retour sur les lieux du crime, le renouvellement des vœux, un face à face avec un passé qui hante : celui de l’Italie, et aussi l’histoire sanglante des femmes.

-In extremis de Sylvain Turner (TNT)

In extremis est le récit d’une guerre intime que le poète se livre dans des territoires assiégés par des personnages d’extrême déroute, où le langage puise sa plus belle lumière dans les encres les plus sombres.

Mille soleils de Ricardo Langlois

Les réminiscences de l’enfance, que l’on devine pas toujours facile, de la mère et de la musique sont toujours aussi présentes et illuminent les pages du livre.

Le talent de Ricardo Langlois est entièrement là, il nous fait voyager, entre Hendrix, Dédé Fortin et Nirvana, avec sa foi, jusqu’à cette terre promise, aux mille soleils.

Musique de Stéfanie Tremblay (La Peuplade)

Fin des années 1990, Stéfanie Tremblay prend des milliers de photographies de la scène punk-rock de Jonquière, une petite ville industrielle. Vingt-cinq ans plus tard, devenue artiste visuelle et autrice, elle propose avec Musique un retour poétique sur ses années de jeunesse et de rage, loin des grands centres, bien avant Facebook. C’est un regard féminin sur une histoire adolescente nord-américaine : le machisme du rock, la violence de la drogue et la tristesse des banlieues, mais aussi les amours immenses, la tendresse infinie et le devenir artiste. Voguant entre les univers de Nan Goldin et de Didier Wampas, la poésie de Stéfanie Tremblay est incisive, drôle, sexuelle et profondément émouvante.

8 Commentaires (+ vous participez ?)

  1. Vève
    Déc 31, 2022 @ 08:24:56

    Bon, bon, bon… beaucoup de titres à inscrire à la liste des LAAL! 😅😇
    Quelle joie! ✨❣️

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  2. raysielavie
    Déc 31, 2022 @ 08:29:32

    Félicitations Christophe et bravo à toi pour ta passion poétique!

    Merci de cette magnifique compilation de tes choix de lecture de recueils poétiques!

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  3. Christophe Condello
    Déc 31, 2022 @ 14:14:47

    Amitié à vous deux et joyeux temps des fêtes.

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  4. Ricardo Langlois
    Déc 31, 2022 @ 18:13:04

    Je suis privilégié d’être dans cette liste parmi les grands de la poésie. Je t’admire pour ta simplicité et ta grandeur d’âme. Mille fois merci !!

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  5. Maior Liberis
    Jan 01, 2023 @ 10:16:08

    Vive la poésie . Nietzsche se plantait. C’est pas les applaudissements qu’ils cherchent . C’est pousser, faire une fleur et attendre.
    Bonne année et merci pour tout vos soutiens !

    Aimé par 1 personne

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