L’association Poétique Luna Rossa lance l’appel à textes, pour l’anthologie 2023. Thème : PARIS À vos plumes… – Un texte par auteur, au format Word impérativement, inédit ou pas. (Moins de 25 vers, sauts de ligne, titre, nom de l’auteur ou pseudo + pays inclus) – Poésie classique, néo-classique, libre, tankas, haïkus, prose poétique… – Cette année exeptionnellement, nous n’acceptons que des textes en français – La publication est gratuite – Prix d’un exemplaire = 12 € + frais de port – Date limite = 28 février 2023
L’envoi des textes implique l’accord pour leur libre publication
À ceux qui ont participé aux précédantes et que je remercie encore infiniment, ainsi qu’aux nouveaux, sachez que les textes envoyés seront réceptionnés sans retour de notre part avant le 1er mars 2023. À partir du 1er mars, nous avertirons les auteurs retenus. Ils recevront alors des mailings d’information de temps en temps sur l’avancé des travaux.
Amitiés poétiques. Nathalie Lauro – Présidente
Toute l’équipe de Luna Rossa se joint à moi pour vous souhaiter une magnifique année poétique, pleine de douceur, de bonheur et d’amour.À très vite pour de nouveaux projets.
pourtant c’est arrivé avec le temps qui lave soudain ce qui restait de soi – quand une seconde une seule liquide les certitudes – et ce qui s’amenait avait l’allure d’un cap un truc infranchissable il faisait encore froid mais le goût dans les chairs ce goût combustible qui vient tâter le pouls dissout l’intérêt vraiment pour ce qui se passe autour du grondement quand le monde regarde ailleurs doucement le secret assied la conscience et lui bande les mains
et tu n’en savais rien pourtant c’est toi qui m’arrivais.
*
tu arrivais encore tu arrivais déjà ta silhouette découpe le noir dans le noir de la rue et aussi des almanachs
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l’alcool se boit au litre il retourne à la mer dans tes yeux rieurs et inquiets comme un homme que les bouées évitent et épargnent d’un quelconque sauvetage
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de ton corps surtout c’est la vie qui se lèche en lente sidération
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sur ton crâne roulent les mains d’une hypothèse brûlante comme l’intérieur d’un ventre
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se perdent des heures pleines où creuser l’intervalle le galbe de tes baisers échappe à chaque tentative taxonomique
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plus profond que ta peau du scandale dans cette proposition : et si.
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l’appétit prend encore les fantasmes pour de la viande crue le dedans au dehors commence sa route d’incertitude
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dis donc exquise terreur as-tu pris ta dose d’extase en matant le regard s’approcher de la flamme
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nu pour l’encre des yeux fous de tracer ton image nu jusqu’à ce que peut-être le passé lui-même révèle des tatouages
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le four fait disjoncter le circuit depuis dix jours le monde domestique annonce un magnifique orage
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dans quel écartèlement trouver une issue à la soif
le sang partout répand un cri de grand singe
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les lèvres ultrasonnent ton prénom dans une langue inconnue
absent même le poème te met à l’abri de la foudre
*
gueule à manger manger de la gueule si la salive atteint le téton titane une explosion fait quinze morts dans les futurs proches
*
de mémoire floue il reste ta date d’anniversaire percée au clitoris d’une fuite
*
de ton corps surtout la brute excavation de la joie
*
même le vendeur de vapes accroché au comptoir en verre comme à une camisole a récupéré le flair des chiens – eux aussi se retournent – même les gosses tu sais sentent une prédation
*
et la ville s’ouvre et s’écarte les trams l’huilent la caressent à boue portante un chemin de terre éclabousse les pensées en chaussettes blanches
les parties de deux dogues capturées
balancent lentement sur la fourrure du regard
*
cracher lèvres closes sur la teneur en glucose d’un mensonge de plus
*
cracher pour retenir
un genre d’action directe
*
pas d’ailes aux yeux des marées pas de restes d’enfance accrochés aux chênes blancs pas de mûres du désir dans les tabliers du dimanche ça n’existe pas l’éjaculation idiote du poème.
*
merci pour ce miracle te bander se conjugue à toutes les personnes dans un présent perpétuel
*
tout est-il en attente d’être texte oui tout Souviens-toi souviens-toi, le doigt nous menace. Les vibrantes douleurs dans ton coeur plein d’effroi. Se planteront bientôt comme dans une cible.
Pré texte mon roi
te désespérer t’observer avec des yeux plantés dans ton coeur plein d’effroi
au service du poème
que la mémoire recrache les parcelles de toi pour tapoter tes joues roses avec ce lait de salive
avorter des souvenirs avorter des projections
ce qui reste malgré tout est voué à l’ici
par réflexe, une forme plus ou moins docte de docilité
*
nul souvenir de ce que tu dis il y a des mois, des années que des bribes bibelots de sagouine que le flux systole d’une branche à l’autre dans le flou chlorophylle des perceptions
*
ce matin Freud s’empale sur la raison pure et à défaut ______________ de pouvoir éjaculer ______________de ravaler la honte, toutes les hontes ______________de cocher une case dans l’abécédaire de quelqu’un.e
d’autre chose, je ris.
*
sais-tu que les hommes ont peur que les femmes rient d’eux quand les femmes connaissent plutôt l’effroi de leur propre et potentiel assassinat
*
de ton corps toute la peur une foutaise qui serpente dont on fait des sacs des bottes n’importe quoi et surtout un remède au silence
*
comme l’horloge avance la crainte de ne pouvoir jouir ____________________ de toi tire sur la laisse dans les villes et les champs une architecture de la perte et de la connaissance s’esquisse fait avancer le poème sur lequel toucher un peu de vérité le chien vient alors renifler le doute sur les jambes et alors s’accorder à son pas demande de la vie comme la rivière qui est un fleuve visiblement sur les cartes qui se précisent avec deux doigts comme les rides sur le front des ami.e.s tout palpite et s’écoule selon une géographie apparente
quand en toute sincérité pourtant je disparais.
*
il n’y a pas de secours dans le poème ni de mémoire – rien ne revient que la salive adoube que le désir soumet que l’envie ne décoche.
*
Maud Joiret est née en 1986 à Bruxelles. Chroniqueuse notamment pour Le Carnet et les Instants, elle est programmatrice littéraire. Cobalt est son premier recueil de poésie. Quelques textes ont paru aussi pour la revue Boustro (numéro VII), Passa Porta, Poetenational.be, Bela. Lauréate d’une bourse de la Fédération Wallonie-Bruxelles – Bourse de découverte 2020
Les voix d’Angèle Paoli, Marie Desvignes (peinture) & Marilyse Leroux, Christophe Condello, Josiane Guitard-Leroux (poème et oeuvres) s’ajoutent à l’anthologie « Cheveux au vent, Femmes d’Iran (femmes du monde) » – à lire sur les site ici :
La colère est une saison Je me souviens Le lendemain On peut s’inventer une chair qui danse Un sanglot tropical Avec des violettes Et des mots élastiques On peut s’asseoir A côté de soi-même Et se chuchoter des histoires
D’abord On peut rassembler ses doigts Sur la table Au milieu des lueurs de la lampe On peut les supplier d’arrêter d’être vieux Souffler comme poussière D’usine Les gouffres et les pierres Du fond de la poitrine
Goûter des goémons Par les oreilles Et par les yeux Etre un sentiment De huit ans à peine
*
Les cloches de l’école
Battent
Comme têtes de morts
Quand ses vieilles oreilles rouges
Tètent les bruits de la ville
Il porte un regard en panier
Une main vaste ouverte
Et le bras tremblant
Un chemin coupé où l’on ne va plus
*
Luc Baba est un écrivain belge.
Il est également comédien, chanteur, dramaturge, animateur d’ateliers d’écriture et professeur d’anglais à l’École prévoyante des femmes socialistes de promotion sociale, à Liège.
Luc Baba a remporté le Prix Page d’Or en 2001 avec son premier roman, « La Cage aux cris ». Il a reçu également le Prix Delaby-Mourmaux en 2014 pour « Tango du nord de l’âme », et le Prix Gauchez-Philippot en 2016 pour « Elephant Island ». Il fut au préalable Lauréat du prix Liège Jeunes auteurs.
Luc Baba écrit également pour le théâtre et la chanson : on l’a vu jouer la comédie, le drame, l’opérette, chanter Léo Ferré, Jacques Brel et Georges Brassens.
Il a interprété en 2000 un monologue de sa plume – « Pauvre diable ». L’une de ses pièces de théâtre « Le jardin des fous » a été jouée au Théâtre du Colombier. En 2002, il a mis en scène son monologue « Vierge des pauvres, merci ! », et signé en 2015 un hommage aux langues du monde dans le spectacle « Tu Parles », qu’il a interprété en Belgique et à Paris en compagnie du musicien Quentin Léonard.
Pour les plus jeunes, il a publié trois biographies, sur Jacques Brel (2012), Charlie Chaplin (2013), et Léo Ferré (2017), aux éditions A dos d’âne, à Paris.
Enfin, il est l’auteur d’œuvres engagées, dont « Mon ami Paco » (2011), illustré par Marion Dionnet, ouvrage condamnant les centres fermés.
Vos soumissions de haïkus pour la 12e édition du Prix Jocelyne-Villeneuve peuvent être envoyées dès le 1 février à PrixVilleneuve2023@haikucanada.org
Inspirations !
Maxianne Berger
Coordonnatrice du Prix Jocelyne-Villeneuve pour Haiku Canada
Participation au Prix Jocelyne-Villeneuve 2023
Période de soumission: 1 au 28 février 2023
Critères de participation:
1. Le concours est international et ouvert au public. Chaque haïku soumis ne doit avoir qu’un seul auteur.
2. Les membres du conseil d’administration de Haiku Canada (HC) ne sont pas admissibles, mais les représentants régionaux peuvent soumettre des haïkus.
3. Il n’y a pas de frais d’inscription au concours (gratuit).
4. Au maximum, 3 haïkus, en français, inédits et non-soumis ailleurs, ni pour édition possible, ni pour un autre concours.
Pour les fins de ce concours, on définit par « édition » : la parution dans un livre ou dans une revue, imprimé ou électronique (vendu ou donné), ou visible au public sur un quelconque site web, ou sur les réseaux sociaux (incluant mais pas limités aux blogues, à Facebook, à Twitter, etc.). Si HC découvre qu’un poème n’est pas inédit, il sera disqualifié, même apprès l’annonce des résultats.
5. Écrire les haïkus à l’intérieur du courriel sans les numéroter. (les pièces jointes seront supprimées sans être lues).
6. Les haïkus soumis doivent obligatoirement être écrits par le poète qui les soumet au concours et envoyés dans un seul envoi.
7. À la fin de votre courriel de participation, vous indiquez votre nom(tel que vous voudriez qu’il paraisse), votre adresse de courriel et votre pays de résidence.
Résultats:
1. Les résultats seront annoncés pendant la rencontre annuelle de la fin de semaine du Haiku Canada Weekend (en mai 2023) et seront affichés sur le site web de HC peu après.
2. Veuillez noter que les poètes récupèrent tous leurs droits après l’annonce des résultats.
3. Cependant, HC se réserve le droit, en tout temps, de republier les haïkus choisis, que ce soit dans un livre imprimé ou affichés sur son site web ou tout autre média social de HC.
aujourd’hui pour notre questionnaire de P(oés)I(e), nous avons le grand plaisir d’accueillir Mireille Cliche.
Présentation:
Lauréate du prix Octave-Crémazie, Mireille Cliche compte à son actif quatre recueils de poésie, un roman et un album mettant à l’honneur des illustrations de Stéphane Jorisch. Elle s’est impliquée pendant plusieurs années dans des regroupements d’auteurs et d’artistes et elle est actuellement membre du comité de rédaction de la revue Femmes de parole. Son dernier ouvrage est paru en 2020 aux éditions du Noroît et s’intitule Le cœur accordéon.
1/Qu’est-ce qui vous a amené à la poésie?
J’ai commencé à écrire presque quotidiennement à la mort de mon père, quand j’avais treize ans, pour m’aider à traverser ce passage difficile. Je croyais tenir un journal mais au bout de quelques années, j’ai réalisé que j’adorais le travail sur la forme et, qu’en fait, j’écrivais plutôt de la poésie, en vers ou en prose.
2/Pouvez-vous nous indiquer un livre que vous aimez particulièrement?
C’est une demande presque cruelle! Il y a tant de livres que j’aime ou que j’ai aimés… Depuis La petite taupe qui voulait une barboteuse reçu dans mon enfance jusqu’à Exercices de joie de Louise Dupré, les livres m’accompagnent. En ce moment, c’est ce dernier recueil qui fait le plus l’objet de mon plaisir et de mon admiration.
3/Pouvez-vous nous dévoiler un ou deux de vos poètes préférés et pourquoi?
Voilà une autre question difficile! J’adore Marie Uguay pour la sensualité, la fraîcheur, l’incandescence de son écriture ; Louise Dupré pour sa profondeur, sa clarté, son intelligence de la vie ; Rachel Leclerc pour son souffle, ses images, son lyrisme discret ; Patrice Desbiens pour la force et la vitalité de ses textes ; Gaston Miron pour sa puissance évocatrice et son ancrage dans notre culture ; Jacques Brault parce que ce qu’il a écrit est beau, tout simplement… J’aime aussi Paul Éluard dont j’ai dévoré l’œuvre dans ma jeunesse. Et je ne cesse de découvrir ou de redécouvrir des voix, de Camille Readman-Prudhomme à Carole Massé. Merci à vous, d’ailleurs, de nous en faire entendre.
4/Quelle est votre dynamique d’écriture?
J’éprouve parfois une pulsion forte, un besoin d’exprimer une émotion ou une sensation. À d’autres moments, je fais le choix de m’arrêter et de laisser émerger ce qui se trouve en moi. Dans les deux cas, je tente de me rendre aussi loin que je le peux dans l’attention puis dans le cumul des images, sans autocensure, dans une attitude d’exploration. Le travail commence ensuite, qui consiste à trier, élaguer, faire la chasse aux clichés, trouver le mot juste, ordonner les idées. Je lis et relis mes textes à haute voix jusqu’à en aimer le rythme et les sonorités. Et je recommence le lendemain.
5/Pouvez-vous nous présenter votre dernier recueil, sa naissance, son thème, ses inspiration?
Le cœur-accordéon a été écrit sur une année, entre Montréal et Saint-Étienne de Bolton, dans les Cantons de l’Est. On y voit passer les saisons, les sensations, les émotions, les souvenirs, l’actualité et ses échos – le tricot de la peine avec la joie. Pendant son écriture, j’ai médité chaque matin avant de m’installer à mon bureau et je crois que cette pratique m’a rendue pleinement disponible à ce qui se produisait en moi et autour de moi, de l’infiniment petit jusqu’à la une des journaux.
6/Pour-vous nous en offrir un ou deux extraits?
*
Bientôt l’hiver craquera après avoir beaucoup pleuré
Des restes de miroir lècheront les anses du lac
Des rameaux plus tendres
Caresseront les palais des cerfs
Du bout du sentier nous regardera peut-être
Un vieux mâle à peine troublé
Par nos pas dans le dégel
Je tendrai l’oreille au ruisseau déluré
Secouant son mica sous la glace mince
Revenus du Brésil ou de la côte américaine
Des chants oubliés monteront du sommet des arbres
Parfois liquides parfois cassants les jours
Retrouveront teintes et sonorité
Des milliers de rigoles se fraieront un chemin
Dans la poussière le long des trottoirs
Nous verrons à nouveau presque incrédules
La vie reprendre son désordre
Ne restera de notre veille
Qu’une attente émerveillée
*
L’encre s’efface le papier disparaît
On ressasse les nouvelles
Dans leurs mille nuances de noir
Je ne vais pas bien
Je vais et c’est déjà beaucoup
Beaucoup mieux que pour la foule
Des indigents qui s’arrachent
Les parcelles d’un sol déguenillé
Éventré craquant las
La terre se dispute
De colloque en colloque
Les grands hurlent les petits murmurent
Et la raison se tait
*
Ce jour-là m’a labourée
Ce jour-là m’a tranchée comme un vieux fruit
Ce jour-là a rendu les vraies larmes à jamais impossibles
Il a faussé ma musique
Il a détricoté le monde
Il a fait de moi une coquille cassante au contenu incertain
Il a bousculé l’amour qui attendait
L’a tassé dans un coin l’a passé à tabac
[…]
7/Y a-t-il un site de poésie que vous nous recommanderiez et pourquoi?
Je lis vos publications facebook qui regorgent d’information et tracent de nombreuses pistes pour un voyage littéraire. Je suis également abonnée à deux blogues qui m’inspirent. Celui du généreux Daniel Guénette, Le blogue de Dédé blanc-bec (https://4476.home.blog/author/danielguenette), qui traite autant de recueils de poésie que d’essais ou de romans, m’incite à découvrir des oeuvres, à en goûter toute la richesse. J’apprécie également trajectoires vers l’incertain (https://trajectoiresverslincertain.wordpress.com/) de Catrine Godin. On y trouve de beaux dessins et des textes sensibles, d’une véritable, et parfois déroutante, originalité.
8/Le mot de la fin
Que dire, sinon que l’amour de la poésie est un voyage, un cadeau, l’occasion d’une suite de rencontres miraculeuses.
Voilà, un grand merci Mireille pour vos réponses éclairées, et je vous souhaite tout le succès que vous méritez.
Le numéro 32 de la revue « Cairns » vient de paraître. Autour du thème du Printemps des poètes : Frontières. La revue, très répandue dans les écoles, propose après chaque poème des pistes pédagogiques (particulièrement pertinentes). Les poèmes publiés ne sont pas « des poèmes pour enfants », mais ils sont lisible s par les enfants. 30 poètes contribuent à ce numéro. Parmi lesquels Georges Cathalo, Michaël Glück, Christian Poslaniec, Jacqueline Saint-Jean, Alain Freixe, Chantal Couliou, Marilyne Bertoncini, James Sacré, Marc Baron, Anne Barbusse, Marie-Josée Christien, Jacqueline Held, Alain Boudet.
Survivante d’un féminicide, Geneviève Rioux écrit ce recueil de poésie comme une reprise de pouvoir et de liberté. Au fil des poèmes se construit une réflexion sur l’improbable répétition de la violence vécue de mère en fille en des lieux et des temps éloignés. La poète donne voix à la souffrance d’une famille, à celle des ami.es, des proches et des connaissances, toutes et tous victimes de ces violences. Survivaces invite à penser la réparation autrement, non par cet autre qui inflige la violence, mais par ces autres qui apaisent et accompagnent les survivantes. Survivaces comme une inspiration profonde, l’intime conviction de vivre à nouveau.
Ma parole pour toutes Celles qu’on a tues Celles qu’on a tuées
Avant-goût de métal Je me délie la langue Dominée, indomptable À qui la cage, à qui la cage ?
Je me suis fixé des buts à la fin de 2022 : tout relire l’œuvre de Christian Bobin et travailler sur mon sixième livre. Pendant ce temps, les livres s’accumulent sur ma table de travail. Des livres de poésie et un essai lumineux de Claude Paradis sur les grands poètes Québécois. Je viens de découvrir Guillaume Asselin. En quatrième de couverture : « Il faut aimer nos blessures les portes qu’elles ouvrent au plus noir de nous. ». C’est très beau. Des citations de Martine Audet et René Char donnent le ton à certains chapitres.
L’épreuve ontologique
Lire Guillaume Asselin, c’est l’épreuve ontologique dans les strates du poème. Il y a aussi l’épreuve hermétique. Qu’est-ce qui définit une œuvre par rapport à une autre? Pour l’auteur, c’est combattre et lutter. Le niveau occulte dans l’exploration poétique du monde.
« J’ai voulu connaître
L’emploi de la lumière avant l’espace,
Le nombre des os a tremblé
Sous un seul cri de joie,
Ce qu’il est possible de construire
Avec la fourrure d’un psaume. » (p. 49 )
« Cette fourrure d’un psaume ». J’aime cette expression. En fait, je suis jaloux du travail poétique. Le sens des mots. L’espace mystique des mots. Un beau découpage.
Tout réécrire
Le poète refait le monde. Il est Rimbaud en lui-même.
« Revivre l’histoire du monde
Avec son ventre, son opéra
Ses yeux dehors, sa langue en rafale
De jouir ébloui. »
Comment ne pas penser à Arthur Rimbaud dans une bibliothèque à Charleville. Il écrivait ceci :
« Ta mémoire et tes sens ne seront que ta nourriture de ton
impulsion créatrice
Quand au monde, quand tu sortiras, que sera-t-il devenu.» (1 )
L’imagination du poète, c’est d’écrire avant le déluge. Les jeux baroques du langage. Cette approche unique de séparer ou de questionner sans (toutefois) écarté le mythe surréaliste. « Alors j’ai vu des merveilles, des bouts de vie commune, des fleurs, des pluies, des robes, des mots d’enfants et leurs jeux devenir poèmes sous mes yeux. » (p. 62 )
Les ténèbres du Verbe
J’aime quand vous citez René Char. J’aime quand lui évoque « les ténèbres du verbe qui engourdissent » (2 ) ou quand il dit qu’il ne participe pas à l’agonie féerique. Dans cette configuration aux chronos délavés (Michel Onfray) qui triomphent sur les écrans de notre modernité, votre écriture est une écriture de résistance. Vous êtes comme un peintre silencieux avec la délicatesse du verbe.
Je vais citer abondamment parce que c’est sublime.
« Comment faire radeau de batailles perdues
Comme nous, comme vous
Comment survivre au fracas des caresses
Qui calent au fond des corps?
Aux détresses, aux misères, je n’ai que
Le pouvoir de faire des réponses de pauvre
Je n’espère jamais qu’une petite suite de
Gestes simples
Des dons de peu pour d’autres que moi. » (p. 68 )
J’ai tellement aimé ce livre. L’expérience ontologique de l’auteur. La lumière rouge flashe. C’est réussi.
Notes
Arthur Rimbaud, « Poésies, Illuminations, Vingt Ans. »
237 NRF Gallimard.
René Char, « Fureur et Mystère » p. 107 NRF Gallimard.
Guillaume Asselin a publié « Bunkers : l’archipel de la peur », un essai paru chez Nota Bene en 2020.
Guillaume Asselin, « Frondes » Les éditions Les mains libres 2022.
Pro/p(r)ose Magazine ouvre 2023 sur des contributions exclusives, de nouvelles créations littéraires et poétiques bien sûr mais aussi des découvertes et redécouvertes enthousiasmantes pour votre plus grand plaisir.
Nous vous en souhaitons une bonne lecture.
K.Cayrat, fondatrice et directrice de publication de Pro/p(r)ose Magazine
Ne manquez pas notre prochain numéro en ligne le 26 mars prochain !
D’ici là, n’hésitez pas à (re)découvrir nos numérosdont nos numéros thématiques Aventure-s (été 2022) / Jeu-x (juillet 2021) / Féminismes et de la place des femmes dans nos sociétés contemporaines (mars 2020).
Et nous vous invitons à rester ouverts aux impromptus…
Pro/p(r)ose Magazine, le dernier dimanche, tous les deux mois.
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