Prix Jocelyne-Villeneuve 2023


Le Prix Jocelyne-Villeneuve
LES LAURÉATS 2023
avec commentaires du juge

*

1er PRIX
Clodeth Côté, Québec, Canada
voiliers amarrés
les clapotis poursuivent
le voyage
Tout d’abord, ce haïku est dynamique.
L’image du premier vers est perceptible
immédiatement. De plus, ce haïku
éveille chez le lecteur deux sens. Le
premier vers est une photo instantanée.
Avec nos yeux intérieurs on imagine
des petits voiliers ou des voiliers
majestueux. Le deuxième vers est
rempli de son. Ces clapotis peuvent être
forts comme ils peuvent être doux. En
somme, l’auteure éveille en nous les
sens de la vue et de l’ouïe. Ce haïku
réussit aussi à joindre le passé et
l’avenir avec le présent car, les clapotis
des vagues n’ayant pas de fin, comme le
temps ils sont éternels. L’écho des
clapotis reste avec le lecteur longtemps
après qu’il ait lu le haïku. Le temps luimême se situe dans ce haiku : le
moment où l’on s’arrête pour écouter
les clapotis et le temps d’évolution
d’une journée et de la vie.

*

2e PRIX
Mona Iordan, Roumanie
premier givre
un cheveu blanc
sur mon épaule
Ce haïku est bref, simple et réaliste. La
froidure peut nous saisir physiquement.
La froidure d’un choc aussi : le cheveu
blanc inattendu et vu pour la première
fois. Ce haiku saisi l’instant avec le kigo
du premier vers. Le cycle éternel du
temps dans la nature rejoint le cycle
éternel et éphémère du temps dans une
vie. Le haïku contient des aspects
extérieur et intérieur. Le premier vers
évoque une image physique, extérieure.
Au deuxième vers, on se trouve à
l’intérieur : comment réagir en dedans
de nous vis-à-vis ce brin de cheveu
blanc. On l’accepte ? On se fait teindre
les cheveux ? On se sent vieillir ? Nous
assistons au passage du concret à
l’abstrait – selon moi une qualité
importante d’un bon haïku.

*

3e PRIX
Jo(sette) Pellet, Suisse
Une feuille tremble
se détache puis s’envole
c’est donc si facile ?
Ce haiku est éphémère. Il fait réfléchir.
Bashō, lui aussi, nous fait souvent
réfléchir. Tous les automnes, les
feuilles tombent. C’est peut-être un
geste insignifiant et pris pour acquis,
mais l’auteure housse l’image à un
niveau spirituel. Elle utilise les actions
de la feuille afin de laisser entrer dans
notre conscience une nouvelle lumière.
Doucement le lecteur suit le parcours
de la feuille ; elle tremble, elle se
détache et elle s’envole. Peut-être
mourir est plus facile que l’on pense ?
Devrions-nous avoir plus de confiance
en la nature de la vie et en accepter ses
changements ? Soudain, cet acte simple,
souvent inaperçu, nous force à regarder
la vie d’une façon nouvelle : qu’il faut
mourir pour accéder à une nouvelle
naissance.

*

MENTIONS HONORABLES
(sans ordre particulier)

*
tasse brisée
le souvenir
de son entièreté
David Bilas, Québec, Canada

*
toiture bombardée

les gloussements des pigeons
volent en éclats
Rodica P. Calotă, Roumanie

*
pétroliers bloqués
à l’entrée du Bosphore

libres les goélands
Marie Derley, Belgique

*
une petite main
dans ma main ridée

le temps retrouvé
Zlatka Timenova, Portugal

*
soleil doux de février
de son sommeil sort
une abeille
Valérie Le Goff, Belgique

*
Livre refermé
Sur ma main chaude assoupie
Douceur du papier
Agnès Doligez
, France

*
le ballet subtil
de ses mains sur le clavier

prélude de Bach
Yaël Zrihen, France

*
Née à Chicago d’une mère québécoise et d’un père espagnol, Blanca Baquero réside au Canada depuis 1958. Écrivaine et
poète anglophone depuis 1990, plusieurs de ses poèmes et de ses nouvelles ont été publiés dans des revues littéraires, des anthologies, des ouvrages universitaires et elle s’est méritée de nombreux prix tant au Canada qu’aux États-Unis. Francophile
dévouée, depuis vingt-cinq ans elle écrit des haïkus dans ce qu’elle jure être la plusbelle langue du monde. Son recueil Aussi loin que le vent paru aux Éditions David en 2022.
Le Prix Jocelyne -Villeneuve est décerné à la mémoire de Jocelyne Villeneuve (1941-1998), une grandepionnière du haïku canadien-français.
Au nom de Haïku Canada, nos sincères remerciements à notre juge Blanca Baquero pour sa disponibilité et son expertise attentionnée. Et toute notre reconnaissance aux haïjins de la francophonie pour leur participation.
~ Maxianne Berger, coordonnatrice

Publicité

Votre commentaire

Entrez vos coordonnées ci-dessous ou cliquez sur une icône pour vous connecter:

Logo WordPress.com

Vous commentez à l’aide de votre compte WordPress.com. Déconnexion /  Changer )

Photo Facebook

Vous commentez à l’aide de votre compte Facebook. Déconnexion /  Changer )

Connexion à %s

Follow Christophe Condello on WordPress.com
%d blogueurs aiment cette page :