À l’heure où plusieurs projets envisagent le retour de l’homme sur la lune, suscitant une inquiétude quant à son exploitation commerciale, ce livre enjoint de préserver notre satellite afin de lui garder toute son intégrité et son mystère. Chaque poème est un territoire inquiet. Il nous permet de pénétrer les ténèbres les balbutiements les déroutes les pas perdus. Pour les rejoindre les vers se déplient, fuient comme nous lorsque la nuit tombe comme un bloc de pierre. La lune permet de tamiser la distance entre toi et l’absence au sein même de l’amour. Elle le transforme sourdement en ramenant aussi à nous les fantômes familiers qui nous ont fait et que nous pouvons croire engloutis mais que l’astre nocturne invite. Sa brillance chimérique dissipe bien des distances, desserre nos amarres car soudain nos songes enterrés sur la table du sommeil découvrent un nouveau circuit et moment même où nous croyons tomber ou nous perdre. Si bien que sans renoncer à son jeûne, notre obscurité se met à parler en une telle lumière incise.
Jean-Paul Gavard-Perret
Laurence Fritsch, Supplique pour la fin des nuits sans lune, Pierre Turcotte Éditeur. Montréal (Québec), mai 2023, 68 p.-, 15€
Un très grand merci Jean-Paul pour ce très chaleureux commentaire.
Le Prix Jocelyne-Villeneuve LES LAURÉATS 2023 avec commentaires du juge
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1er PRIX Clodeth Côté, Québec, Canada voiliers amarrés les clapotis poursuivent le voyage Tout d’abord, ce haïku est dynamique. L’image du premier vers est perceptible immédiatement. De plus, ce haïku éveille chez le lecteur deux sens. Le premier vers est une photo instantanée. Avec nos yeux intérieurs on imagine des petits voiliers ou des voiliers majestueux. Le deuxième vers est rempli de son. Ces clapotis peuvent être forts comme ils peuvent être doux. En somme, l’auteure éveille en nous les sens de la vue et de l’ouïe. Ce haïku réussit aussi à joindre le passé et l’avenir avec le présent car, les clapotis des vagues n’ayant pas de fin, comme le temps ils sont éternels. L’écho des clapotis reste avec le lecteur longtemps après qu’il ait lu le haïku. Le temps luimême se situe dans ce haiku : le moment où l’on s’arrête pour écouter les clapotis et le temps d’évolution d’une journée et de la vie.
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2e PRIX Mona Iordan, Roumanie premier givre un cheveu blanc sur mon épaule Ce haïku est bref, simple et réaliste. La froidure peut nous saisir physiquement. La froidure d’un choc aussi : le cheveu blanc inattendu et vu pour la première fois. Ce haiku saisi l’instant avec le kigo du premier vers. Le cycle éternel du temps dans la nature rejoint le cycle éternel et éphémère du temps dans une vie. Le haïku contient des aspects extérieur et intérieur. Le premier vers évoque une image physique, extérieure. Au deuxième vers, on se trouve à l’intérieur : comment réagir en dedans de nous vis-à-vis ce brin de cheveu blanc. On l’accepte ? On se fait teindre les cheveux ? On se sent vieillir ? Nous assistons au passage du concret à l’abstrait – selon moi une qualité importante d’un bon haïku.
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3e PRIX Jo(sette) Pellet, Suisse Une feuille tremble se détache puis s’envole c’est donc si facile ? Ce haiku est éphémère. Il fait réfléchir. Bashō, lui aussi, nous fait souvent réfléchir. Tous les automnes, les feuilles tombent. C’est peut-être un geste insignifiant et pris pour acquis, mais l’auteure housse l’image à un niveau spirituel. Elle utilise les actions de la feuille afin de laisser entrer dans notre conscience une nouvelle lumière. Doucement le lecteur suit le parcours de la feuille ; elle tremble, elle se détache et elle s’envole. Peut-être mourir est plus facile que l’on pense ? Devrions-nous avoir plus de confiance en la nature de la vie et en accepter ses changements ? Soudain, cet acte simple, souvent inaperçu, nous force à regarder la vie d’une façon nouvelle : qu’il faut mourir pour accéder à une nouvelle naissance.
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MENTIONS HONORABLES (sans ordre particulier)
* tasse brisée le souvenir de son entièreté David Bilas, Québec, Canada
* toiture bombardée – les gloussements des pigeons volent en éclats Rodica P. Calotă, Roumanie
* pétroliers bloqués à l’entrée du Bosphore – libres les goélands Marie Derley, Belgique
* une petite main dans ma main ridée – le temps retrouvé Zlatka Timenova, Portugal
* soleil doux de février de son sommeil sort une abeille Valérie Le Goff, Belgique
* Livre refermé Sur ma main chaude assoupie Douceur du papier Agnès Doligez , France
* le ballet subtil de ses mains sur le clavier – prélude de Bach Yaël Zrihen, France
* Née à Chicago d’une mère québécoise et d’un père espagnol, Blanca Baquero réside au Canada depuis 1958. Écrivaine et poète anglophone depuis 1990, plusieurs de ses poèmes et de ses nouvelles ont été publiés dans des revues littéraires, des anthologies, des ouvrages universitaires et elle s’est méritée de nombreux prix tant au Canada qu’aux États-Unis. Francophile dévouée, depuis vingt-cinq ans elle écrit des haïkus dans ce qu’elle jure être la plusbelle langue du monde. Son recueil Aussi loin que le vent paru aux Éditions David en 2022. Le Prix Jocelyne -Villeneuve est décerné à la mémoire de Jocelyne Villeneuve (1941-1998), une grandepionnière du haïku canadien-français. Au nom de Haïku Canada, nos sincères remerciements à notre juge Blanca Baquero pour sa disponibilité et son expertise attentionnée. Et toute notre reconnaissance aux haïjins de la francophonie pour leur participation. ~ Maxianne Berger, coordonnatrice
Il est aussi une joie, un désastre qui se rit des heures. Revoici un animal qui s’échappe. Revoici le salon où je vis sans uniforme : les murs sont pâles, les désordres décrivent leurs propres trajectoires. Les mots finissent par former des colonnes sur lesquelles sont posés des visages. Tout amour, j’essaie. Je compose dans la fumée. Revoici mon rire, car tout est perdu.
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Élise Turcotte est poète, nouvelliste et romancière. Elle est l’auteure de plusieurs recueils de poésie dont Sombre ménagerie, Ce qu’elle voit, Piano mélancolique et La forme du jour. Ses romans, parmi lesquels : Le bruit des choses vivantes, La maison étrangère, Le parfum de la tubéreuse et plus récemment L’apparition du chevreuil (publié au Québec en 2019 et en France en 2020) ont tous été salués par la critique et ont trouvé de nombreux lecteurs et lectrices. Elle écrit aussi pour la jeunesse. Ses livres sont traduits en anglais, en espagnol et en catalan. Auteure d’une œuvre multiforme et sans cesse renouvelée, elle est l’une des voix littéraires importantes du Québec. Elle vit à Montréal.
Laurence Fritsch, Supplique pour la fin des nuits sans lune
L’émissaire
Constitué de deux révolutions de 27 poèmes, comme la révolution sidérale de la lune, ce livre est de fait une extrapolation cosmique de la phrase de Roberto Juarroz écrite en exergue : “Quelque chose d’obscur porte l’homme / à interrompre toute ce qui s’écroule : /la lumière, l’eau, l’amour, la pensée, la nuit”. (Treizième poésie verticale). L’auteure s’adresse “à tous ceux qui se sont un jour perdus dans l’encre de la nuit, et qui, levant la tête vers le firmament, n’y ont pas vu l’orbe réconfortante de la lune.”
Pour une telle poétesse, la nuit réunit part d’enfance, peurs, insomnies et l’inspiration qui naît lorsque le cerveau paraît s’endormir. La lune incidemment le nourrit. Elle devient plus qu’un éclairage : c’est la lumière qui fait parler le noir de l’inconscient. Si bien que Laurence Fritsch “fait” du Soulages avec ses mots en montrant que le noir, s’il est couleur, n’existe que dans sa brillance.
Le recueil parle aussi les ténèbres des nuits sans lune, des cavités et grottes, des silhouettes fantasmagoriques chères à Blake. Toutes préservent la présence clairvoyante de la lune. Car, ce qui nous clôt dans nos cauchemars, elle le reconstruit de manière plus verticale et ailée en une mosaïque barbare. A nous de la reconstruire et interpréter.
Loin des visions réductrices, Laurence Fritsch devient la manipulatrice des ombres et de leurs mystères que la lune habille. Celle-ci, habituellement est sexuellement désignée comme féminine et devient même l’emblème du genre. Ici, elle le quitte pour produire des agitations subtiles — où l’érotisme plane subrepticement – qui éclairent notre aveuglement pour faire de nous des âmes nocturnes et lucides. Ainsi, les transis du firmament se réveillent et se révèlent à eux-mêmes, entre apparitions et spectres.
Jean-Paul Gavard-Perret
Laurence Fritsch, Supplique pour la fin des nuits sans lune, Pierre Turcotte Éditeur. Montréal (Québec), mais 2023, 68 p — 15,00 €.
Un très grand merci Jean-Paul pour ce très chaleureux commentaire.
j’ai le plaisir de recevoir aujourd’hui au Questionnaire de P(oés)I(e) un poète de grand talent, Michel Pleau.
Présentation:
Né en 1964, Michel Pleau est originaire du quartier Saint-Sauveur à Québec. En 1992, il publiait son premier recueil. Depuis, il ne cesse d’apprendre à lire et à écrire de la poésie.
Il a reçu le Prix du Gouverneur général en poésie pour son recueil La lenteur du monde publié aux Éditions David. Ses livres sont également parus aux Écrits des Forges et aux Éditions du Noroît.
En reconnaissance de son parcours de poète et l’ensemble de l’œuvre, on lui décerne le Prix littéraire de l’Institut Canadien de Québec en 2015 et le Prix Jean-Noël-Pontbriand du Mois de la poésie en 2018.
1/Qu’est-ce qui vous a amené à la poésie ?
La découverte, à l’adolescence, d’un carnet de notes rédigé par mon père. Décédé beaucoup trop jeune, je l’ai très peu connu. Voir son écriture, lire ses mots, c’était entendre une voix que j’avais oubliée. Être en sa présence. J’ai commencé à écrire de petits poèmes pour lui parler. Encore aujourd’hui, le poème est pour moi un dialogue avec le monde.
2/Pouvez-vous nous indiquer un livre que vous aimez particulièrement ?
« Air de la solitude » du poète suisse Gustave Roud (1897-1976).
Ce livre est disponible dans la collection Poésie/Gallimard. Chaque été, depuis 20 ans, je relis son œuvre poétique complète. Mon amour pour son œuvre m’a amené à faire un « pèlerinage » dans son village de Carrouge, près de Lausanne. J’avais besoin de voir les paysages de sa poésie.
3/Pouvez-vous nous dévoiler un ou deux de vos poètes préférés et pourquoi ?
J’aime beaucoup la poésie de Jean-François Mathé et de Pierre Gabriel. Parce que ces poètes cherchent à exprimer leur réalité intérieure.
4/Quelle est votre dynamique d’écriture ?
Lorsque j’ai commencé à écrire de la poésie, je ne savais pas qu’elle allait m’enseigner à vivre.
Alors, je cherche simplement à me mettre à l’écoute. Je suis un poète de carnet. Je prends des notes. Paul de Roux disait qu’il était nécessaire de « copier jusqu’au bout la dictée de l’existence ».
5/Pouvez-vous nous présenter votre dernier recueil, sa naissance, son thème, ses inspirations ?
D’une certaine façon, ça m’aura pris 30 ans pour écrire Une auberge où personne ne s’arrête, publié aux Écrits des Forges en 2022. Je suis de ceux qui croient qu’on écrit un seul livre dans une vie. Les différentes publications sont les chapitres plus ou moins aboutis de ce livre espéré et toujours à venir, comme si on retrouvait, chaque fois, l’élan initial qui fait du poème le centre de sa vie.
Daniel Guénette, dans son blogue littéraire, a eu de bons mots au sujet de mon recueil. Je les relis parfois, quand je me sens le plus mauvais poète du monde: « Michel Pleau parvient à exprimer et communiquer des choses, on pourrait dire des « vérités », essentielles, qu’on tire profit à méditer. Son « parler vrai » tient non seulement à la sobriété de son discours, mais également à sa portée, à son propos. Il écrit au plus près de lui-même des poèmes ancrés dans l’ici, dans le territoire qui est le sien, mais ce sont des poèmes qui tout en disant des choses immédiates s’ouvrent autant à l’intériorité de l’âme qu’à la vastitude du monde. »
6/Pouvez-vous nous en offrir un ou deux extraits ?
sommes-nous seulement le seuil
de quelques lieux habités
qu’un instant parfois arrache à la lumière
je ne demande au ciel
qu’un peu de présence
un regard peut-être
7/Y a-t-il un site de poésie que vous nous recommanderiez et pourquoi ?
Je fais toujours de belles découvertes sur le site poesibao.fr
8/Le mot de la fin ?
J’aimerais saluer et dire mon admiration pour l’œuvre de poètes d’ici : Joanne Morency (Maria en Gaspésie), Claude Paradis (Québec), Pierre Chatillon (Nicolet), Jean-Noël Pontbriand (Sainte-Brigitte-de-Laval), Lyne Richard (Québec) et Michel Létourneau (Rivière-du-Loup). Il y en aurait beaucoup d’autres à nommer !
Je salue aussi nos poètes de l’avenir, j’espère qu’ils pourront continuer, en français, cette extraordinaire aventure de la poésie québécoise en Amérique.
Voilà, un très grand merci Michel d’avoir joué le jeu du Questionnaire de PI et je vous souhaite tout le succès que vous méritez amplement.
Laurence Fritsch, poète, journaliste de formation, vit dans la région parisienne mais part dès qu’elle le peut dans les montagnes pyrénéennes. Sa poésie est résolument et superbement minimaliste : chaque poème semble un instantané qui traduit la fulgurance d’une pensée ou d’un état d’âme.
« Supplique pour la fin des nuits sans lune » est son premier recueil imprégné de la présence de Roberto Juarroz, d’Anna Akhmatov et de William Blake entre autres comme du peintre Soulages pour le noir qui grâce à lui comme a elle trouve une brillance méconnue.
Car ce que nous respirons à l’angle droit du désir dans la chevelure de jais de la lune se donne à voir dans sa clarté dévorante au coeur du noir. Nous croyons qu’elle « nous » divorce lorsque le jour revient ou qu’elle est cachée mais de fait c’est notre ange. Et bien idiot sont ceux qui veulent l’exterminer en la colonisant.
Son rayonnement fait ce que nous sommes en perforant les monstres de notre inconscient et nos fantasmes dès que le sommeil nous prend. Car en son égide notre cerveau endormi trouvent enfin un rêve toujours plus cru et crû dans les saillies d’une parole qui à la lumière des jours retournera à l’état de monnaies de singe. Ce qui n’est pas le cas ici.
j’ai le plaisir de recevoir aujourd’hui au Questionnaire de P(oés)I(e) un poète de grand talent, Michel Pleau.
Présentation:
Né en 1964, Michel Pleau est originaire du quartier Saint-Sauveur à Québec. En 1992, il publiait son premier recueil. Depuis, il ne cesse d’apprendre à lire et à écrire de la poésie.
Il a reçu le Prix du Gouverneur général en poésie pour son recueil La lenteur du monde publié aux Éditions David. Ses livres sont également parus aux Écrits des Forges et aux Éditions du Noroît.
En reconnaissance de son parcours de poète et l’ensemble de l’œuvre, on lui décerne le Prix littéraire de l’Institut Canadien de Québec en 2015 et le Prix Jean-Noël-Pontbriand du Mois de la poésie en 2018.
1/Qu’est-ce qui vous a amené à la poésie ?
La découverte, à l’adolescence, d’un carnet de notes rédigé par mon père. Décédé beaucoup trop jeune, je l’ai très peu connu. Voir son écriture, lire ses mots, c’était entendre une voix que j’avais oubliée. Être en sa présence. J’ai commencé à écrire de petits poèmes pour lui parler. Encore aujourd’hui, le poème est pour moi un dialogue avec le monde.
2/Pouvez-vous nous indiquer un livre que vous aimez particulièrement ?
« Air de la solitude » du poète suisse Gustave Roud (1897-1976).
Ce livre est disponible dans la collection Poésie/Gallimard. Chaque été, depuis 20 ans, je relis son œuvre poétique complète. Mon amour pour son œuvre m’a amené à faire un « pèlerinage » dans son village de Carrouge, près de Lausanne. J’avais besoin de voir les paysages de sa poésie.
3/Pouvez-vous nous dévoiler un ou deux de vos poètes préférés et pourquoi ?
J’aime beaucoup la poésie de Jean-François Mathé et de Pierre Gabriel. Parce que ces poètes cherchent à exprimer leur réalité intérieure.
4/Quelle est votre dynamique d’écriture ?
Lorsque j’ai commencé à écrire de la poésie, je ne savais pas qu’elle allait m’enseigner à vivre.
Alors, je cherche simplement à me mettre à l’écoute. Je suis un poète de carnet. Je prends des notes. Paul de Roux disait qu’il était nécessaire de « copier jusqu’au bout la dictée de l’existence ».
5/Pouvez-vous nous présenter votre dernier recueil, sa naissance, son thème, ses inspirations ?
D’une certaine façon, ça m’aura pris 30 ans pour écrire Une auberge où personne ne s’arrête, publié aux Écrits des Forges en 2022. Je suis de ceux qui croient qu’on écrit un seul livre dans une vie. Les différentes publications sont les chapitres plus ou moins aboutis de ce livre espéré et toujours à venir, comme si on retrouvait, chaque fois, l’élan initial qui fait du poème le centre de sa vie.
Daniel Guénette, dans son blogue littéraire, a eu de bons mots au sujet de mon recueil. Je les relis parfois, quand je me sens le plus mauvais poète du monde: « Michel Pleau parvient à exprimer et communiquer des choses, on pourrait dire des « vérités », essentielles, qu’on tire profit à méditer. Son « parler vrai » tient non seulement à la sobriété de son discours, mais également à sa portée, à son propos. Il écrit au plus près de lui-même des poèmes ancrés dans l’ici, dans le territoire qui est le sien, mais ce sont des poèmes qui tout en disant des choses immédiates s’ouvrent autant à l’intériorité de l’âme qu’à la vastitude du monde. »
6/Pouvez-vous nous en offrir un ou deux extraits ?
sommes-nous seulement le seuil
de quelques lieux habités
qu’un instant parfois arrache à la lumière
je ne demande au ciel
qu’un peu de présence
un regard peut-être
7/Y a-t-il un site de poésie que vous nous recommanderiez et pourquoi ?
Je fais toujours de belles découvertes sur le site poesibao.fr
8/Le mot de la fin ?
J’aimerais saluer et dire mon admiration pour l’œuvre de poètes d’ici : Joanne Morency (Maria en Gaspésie), Claude Paradis (Québec), Pierre Chatillon (Nicolet), Jean-Noël Pontbriand (Sainte-Brigitte-de-Laval), Lyne Richard (Québec) et Michel Létourneau (Rivière-du-Loup). Il y en aurait beaucoup d’autres à nommer !
Je salue aussi nos poètes de l’avenir, j’espère qu’ils pourront continuer, en français, cette extraordinaire aventure de la poésie québécoise en Amérique.
Voilà, un très grand merci Michel d’avoir joué le jeu du Questionnaire de PI et je vous souhaite tout le succès que vous méritez amplement.
Dans d’autres pays jadis il avait cinq genres et pas deux En d’autres temps en d’autres lieux je suis un dieu
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Tout ce que je suis c’est un mot et c’est mon préféré Scandale ! Je suis un scandale un scandale vivant un scandale fier comme un paon un scandale en sandales (…) Scandale ! J’ai pas choisi l’étiquette qu’on m’a collée autour du cou
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Alors, vous allez me dire : Oui mais, euh, Josie… Quand même, C’est la femelle Qui porte les petits dans son bide Le temps de la gestation. C’est en elle que s’opère Le mélange des deux patrimoines génétiques. C’est elle qui pond, Qui accouche, Qui propulse la vie !
Oui, ça fonctionne Avec les espèces dont j’ai parlé… Mais ça fonctionne pas chez tout le monde. Chez les hippocampes C’est le mâle qui joue les dindons farcis ! Et chez les crapauds accoucheurs, Le mâle porte aussi bien son nom Qu’il porte les petits.
*
Auteur-compositeur-interprète et artiste de cabaret, Camille Pier se produit sur les scènes de queer, de chanson et de slam sous le pseudonyme « Nestor ». Il s’intéresse depuis toujours aux arts de la variété. Formé à la musique, au chant, au mime et à la danse, Camille est également diplômé de l’université de Liège. Il y a étudié la littérature francophone. Son spectacle poético-musical « Nestor à votre service », mêle la tradition du café-concert et l’univers des travestis. C’est dans le cadre de ce seul(e)-en-scène qu’il crée un deuxième personnage, Josie, l’alter égal féminin de Nestor. Sous le costume de cette drag queen fantasque, il présente une conférence spectacle intitulée « La Nature contre-nature (tout contre)« , co-écrite avec la biologiste Leonor Palmeira.
Pour peu que l’on s’intéresse à la poésie et à supposer que l’on fréquente les réseaux sociaux, le nom de Geneviève Catta ne peut que nous être familier. Cette écrivaine est animée par un vibrant amour de la littérature ; elle anime des ateliers littéraires, s’affaire à alimenter un blogue d’écriture (Les mots, la vie) et partage régulièrement ses poèmes sur Facebook. La minute passe sur les épaules de ta voix est son deuxième livre. Il fait suite à Souffles avant, un recueil de nouvelles parus en 2021 aux Éditions Le Lys Bleu.
Il entre beaucoup de fantaisie dans la manière de Geneviève Catta. Souffles avant faisait montre d’inventivité. Même dans la gravité, la nouvelliste excellait à dire les choses sans jamais dramatiser, avec une fine pointe d’humour, non sans une légèreté insufflant à sa prose une certaine dose d’optimisme. C’est du moins la perception qu’il m’est resté de cette lecture. De même, les poèmes qu’elle publie ordinairement sont-ils rafraîchissants, curieux, étonnants pour ne pas dire savoureux et séduisants.
Ceux qui composent le recueil montrent, me semble-t-il, une autre facette de l’univers poétique de l’écrivaine. Ils ne sont pas moins réussis ; l’imagination, cette faculté maîtresse à l’œuvre partout chez Catta, n’en est pas exclue, mais elle s’engage sur un tout autre terrain que celui où nous convie habituellement l’écrivaine sur son blogue. À dire vrai, il me faudrait sans doute ici nuancer mon propos. Je n’ai pas suffisamment arpenté « Les mots, la vie » pour avancer que tout y est affaire de lumière et de joie. Une chose est certaine cependant, le recueil dont il est ici question est plutôt sombre ; c’est qu’il fait état d’un naufrage amoureux. Il s’écrit d’abord au milieu de la nuit, pour s’achever plus heureusement dans ce que François Cheng, cité par la poète, appelle « la fraîcheur du matin du monde. » Telles sont d’ailleurs les derniers mots de l’ouvrage.
C’est également à ce poète que l’on doit les tout premiers, extraits comme tous les autres exergues du recueil de ses Cinq méditations sur la beauté. Un brin formaliste, pour ne pas dire rigoureuse, la poète comme pour faire écho au chiffre du titre a donné la parole au maître à cinq reprises, le citant au début de chacune des parties de son recueil, puis, comme mentionné, à la toute fin. Je laisse aux lecteurs et lectrices le soin de découvrir les liens unissant ces citations aux poèmes et à la démarche de l’auteure.
Le chant premier du recueil commence par les vers suivants : « il n’y a plus / ni nuit / ni aube ». Je le mentionne afin de souligner une fois de plus la cohérence structurelle de l’ensemble, le recueil se terminant, on s’en souviendra, par l’affirmation de la lumineuse manifestation du matin. Comment ne pas penser ici au plus récent recueil de Hélène Harbec ? Dans un style fort différent de celui de Geneviève Catta, elle signe également un ouvrage portant sur le deuil amoureux. Je l’indique en raison de la présence de Cheng en exergue de son ouvrage. Je cite : « Consens à la brisure, c’est là / Que germera ton trop plein / De crève-cœur, que passera / Un jour, hors de l’attente, la brise. » Justement, la brise du matin, celle du renouveau que l’on voit à l’œuvre dans le recueil de madame Catta.
La minute passe sur les épaules de ta voix est un recueil qui renferme de très beaux poèmes, où le chagrin est rarement exprimé de manière convenue, où le verbe est la plupart du temps retrempé aux sources les plus vives de l’inventivité poétique. Dans la présentation de l’auteure, l’éditeur mentionne le caractère charnel « et résolument moderne » de la plume de Geneviève Catta. Force est de lui donner raison, tout en ajoutant le bémol d’une inscription certaine dans la tradition poétique telle qu’on la retrouve à la fois chez les anciens et les modernes. L’amour est une affaire de cœur. Dans le lexique des poèmes d’amour se rencontrent des mots et des métaphores qui vont de soi, tout moderne que l’on soit : « j’offre mon cœur ». Pourquoi s’interdirait-on pareil langage ?
Or l’éditeur, dans cette présentation, dit surtout ceci, à quoi je souscris entièrement : « Dans sa poésie, elle cueille l’impression des mots, s’attarde aux couleurs que ceux-ci révèlent sur les ‘‘ choses de la vie ’’. » Poète de la synesthésie, de l’extrême sensibilité aux liens unissant les mots aux « choses de la vie », Catta est une merveilleuse poète de la sensualité. Partout dans ses poèmes se retrouve l’attentive appétence qui consiste à tenter de saisir par les pouvoirs du langage la nature de ce qui « est », afin de donner corps à toutes choses dans le poème. Il y a énormément de sensualité dans la manière de Catta, pas uniquement dans ses propos, quoique nul ici ne soit leste, bien que les corps en viennent à s’étreindre dans le feu d’une passion qui cependant finit dès le début du recueil par s’éteindre. Or ce n’est pas tant de cette sensualité qu’il s’agit, c’est plutôt de celle dont parle l’éditeur lorsqu’il évoque « l’impression des mots » et la primauté accordée à leurs couleurs. Dans le rendu, celui des mots, la poète se montre finement attentive aux objets, aux phénomènes physiques et immatériels qui l’entourent. Elle a, je l’ai dit, le sens de la formule inventive, si bien que les jeux de langage sans gratuité aucune miroitent chez elle de façon impressionniste. La beauté du monde est alors bellement rendue. Du reste, et ce recueil en témoigne grandement, cette poète parvient à dire tout aussi bellement les graves duretés qui l’accablent.
ma cicatrice faiblit et laisse la chair l’envahir comme la tache sur la nappe
pourquoi faut-il que quelque chose reste toujours derrière soi
ou est-ce moi qui respire encore l’odeur de pomme mûre de ta peau
On m’a fait remarquer récemment que mon travail de lecteur entretient peu de liens véritables avec la vraie critique littéraire. Je ne m’y montre pas suffisamment sévère. On m’a alors gratifié du titre plutôt sympathique d’« appréciateur ». Voilà qui est assez bien trouvé, puisque, en effet, dans ce que j’appelle mes « petites études », je tente principalement de mettre en évidence les particularités objectives des ouvrages que je recense. Mon but est de rendre manifestes leur propos et leur manière. Si je trouve çà et là des scories, je laisse aux autres le soin de les découvrir. Cependant, je crois qu’il est important de rappeler un principe de base. Il concerne la correction orthographique. Les coquilles sont pardonnables, si elles n’abondent pas dans un ouvrage. Mais les fautes d’orthographe le sont moins. Elles sont inévitables lorsqu’on est au stade du manuscrit. Elles relèvent souvent de la distraction. L’auteur est absorbé par ce qu’il écrit, par le tout qu’il produit ; des petits détails peuvent lui échapper. S’il doit veiller au grain, l’éditeur doit également y mettre du sien, s’adjoindre les services d’un correcteur d’épreuves ou à tout le moins recourir à un logiciel de correction.
Pierre Turcotte Éditeur est un nouveau venu qui propose de nouveaux auteurs. Accueillons-le à bras ouverts. Il mérite toutes nos félicitations. Il n’en méritera pas moins le jour où il présentera des ouvrages plus soignés.
Cela dit, terminons en beauté. Laissons la parole à la poète.
aurai-je dû attendre avant de ranger le couvert je ne te vois pas parmi les ombres courbes l’amour s’émiette-t-il
je suis naine face aux saisons futures et le bleu s’accroche à la lampe comme un mensonge qui subsiste
la nuit tangue j’ai demandé au hibou comment l’affronter mais il rit et agite ses aigrettes
Auteur : Daniel Guénette
Écrivain québécois. Publie ouvrages de poésie (dont Varia au Noroît) et romans (Dédé blanc-bec, etc. à La Grenouillère). Ai enseigné la littérature au niveau collégial. À la retraite depuis 2011. Me consacre à des lectures dont je rends compte sur mon blogue : Blog de Dédé blanc-bec : 4476:HOME:BOLG Notice biographique (voir L’Île : litterature.org) Daniel Guénette est né le 21 mai 1952. Il est originaire de Montréal. Il a vécu son enfance et la majeure partie de son existence dans l’arrondissement de Saint-Laurent. Après des études en lettres à l’Université de Montréal, où il obtient un diplôme de maîtrise en création littéraire, il enseigne la littérature au cégep de Granby. En 2011, il prend sa retraite après 34 années d’enseignement. À l’aube de la soixantaine, il renoue avec l’écriture qu’il avait cessé de pratiquer durant près de vingt ans. Il produit alors deux recueils de poésie (Traité de l’Incertain en 2013, Carmen quadratum en 2016) et un récit (L’École des Chiens, en 2015). Dans son œuvre antérieure alternaient ouvrages de poésie (3 titres au Noroît, 2 chez Triptyque) et productions romanesques (3 titres chez Triptyque). Ces ouvrages furent publiés entre 1985 et 1996. L’ensemble fut bien reçu par la critique. À l’occasion du vingtième anniversaire des éditions Triptyque, feu Réginald Martel écrivait : « Et on soupçonne que bien des éditeurs seraient ravis d’inscrire à leur catalogue, parmi quelques auteurs de Triptyque, le nom d’un Daniel Guénette, par exemple. » J. Desraspes a enchanté Jean-Roch Boivin : « Ce roman est un délicieux apéritif, robuste et délicat, son auteur un écrivain de talent et de grands moyens. » Réginald Martel parle d’un roman « qu’on dévore sans reprendre son souffle » ; il salue également la parution des romans qui suivent, se montrant surtout favorable à L’écharpe d’Iris. Pierre Salducci écrit dans Le Devoir un article très élogieux sur ce roman : « L’écharpe d’Iris est une réussite, une petite musique qui nous parle de la nature humaine et qu’on n’arrive pas à oublier. Un roman magnifique, un vrai. Pas un phénomène de mode. Pas un produit branché et périssable. Mais de la littérature. Tout simplement. » L’École des Chiens, qui en 2013 marque le retour de l’auteur au récit, a été commentée de manière positive par divers blogueurs, dont le poète Jacques Gauthier, sur Blogues Église catholique à Montréal : « Ce beau récit du poète Daniel Guénette évoque, avec pudeur et humilité, les onze années vécues auprès de Max qu’il a dû faire euthanasier à cause d’un cancer. Ils sont rares de tels livres qui traitent si tendrement de la relation entre un homme et son animal de compagnie. Ça parle de vie et de mort, d’attachement et d’amitié, d’enfance et de solitude. » Pour sa part, Topinambulle écrit : « Dans ce très beau récit, un homme apprivoise doucement le deuil de son chien. À la manière de Rousseau, Daniel Guénette nous invite à le suivre dans ses promenades, dans les méandres de ses souvenirs, où l’évocation de l’ami fidèle nous servira de guide. »). Dominic Tardif, dans le Devoir, 4 juillet 2015, a rendu compte chaleureusement de ce récit. Il a souligné qu’avec ce dernier, l’auteur avait produit « de la vraie littérature » : « Plus qu’un livre sur un maître et son animal, L’école des chiens célèbre le pouvoir de l’écriture qui, chez Daniel Guénette, n’aspire pas à remplacer l’en allé, mais bien à en continuer la vie. » Recommandé avec enthousiasme à ses téléspectateurs, ce récit a fait l’objet d’un échange de cadeaux à l’émission LIRE présentée sur ARTV. À partir de 1975, l’auteur a collaboré à diverses revues de littérature à titre de poète et de critique. On peut lire ses plus récentes recensions dans la revue Mœbius. Pour l’une d’elles, l’auteur a été finaliste au Prix d’excellence de la SODEP 2016, dans la catégorie Texte d’opinion critique sur une œuvre littéraire ou artistique.
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