*
HEURTOIR
(survivre)
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
à cette porte
presque morte
où résonnent les gonds
de vaines purifications
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
sur la fracture
sur les blessures
où vibrent mes suppliques
et mes prières faméliques
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
et m’agenouille
sombre fripouille
à l’échancrure des souvenances
aux éboulis des insolences
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
est-elle encore si farouche
ou orpheline, ma manouche
ou dans les bras, belle grivoise
d’un prince qui l’apprivoise
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
ma pogne se boursoufle
sur ce cœur que je maroufle
de mes cris sans blasphème
de mes râles qui s’enchaînent
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
à cet airain d’outre-tombe
au chaos d’une catacombe
où mes rêves hallucinent
après la marche des guillotines
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
pour qu’elle m’ouvre
sa croupe
pour qu’elle découvre
ma coupe
Je heurte
Parce que je suis heurtoir
et je heurte
heurte sans tympan
et je heurte
jusqu’au sang
*
d’un souffle
tu ériges
et dédies
aux retrouvailles
ce que tes rêves
ont deviné
lire ensemble
ces minutes
du pacte vital
que fige
la tendresse
brûlant rituel
des caresses
qui fécondent
le désir
oraisons
barbares
pour exhumer
la vie
*
Écrivain suisse d’expression française, Claude Luezior a accompli ses études primaires et secondaires à Berne, Fribourg et Philadelphie puis a étudié aux universités de Fribourg et de Genève, aux Hôpitaux Universitaires de Genève (HUG) et au CHUV à Lausanne, au Queen Square Hospital de Londres, à la Mayo Clinic de Rochester (Minnesota) et au Massachusetts General Hospital (MGH) de Boston. Médecin, spécialiste en neurologie (son nom civil est Claude-André Dessibourg), il devient chef de clinique au Centre Hospitalier Universitaire (CHUV) à Lausanne puis professeur titulaire à l’université de Fribourg. Parallèlement à ses activités scientifiques, il écrit sur le plan littéraire depuis son jeune âge mais ne commence à publier que depuis 1995.
Sortent dès lors une cinquantaine d’ouvrages, dont une majorité à Paris : romans, nouvelles, recueils de poésie, essais, ouvrages d’art. Tout comme en médecine, il encourage la collaboration multidisciplinaire, donne des conférences, participe à des expositions et à des anthologies, écrit des articles dans des revues littéraires ainsi que des préfaces.
Ses huit premiers ouvrages ont été publiés par Buchet/Chastel, éditeur parisien de Cendras, Valéry, Colette, Durrell, Miller etc. Quatre recueils sont parus chez Encres Vives, collection dirigée par Michel Cosem, prix Renaudot des Benjamins 2003. Pour un tesson de lune a été préfacé par Jean Desmeuzes, inspecteur d’Académie, prix Apollinaire 1964 (que l’on appelle parfois le Goncourt de la poésie).
Certains livres de Luezior sont traduits en langues étrangères et en braille. Il reçoit de nombreuses distinctions, dont le Prix européen ADELF-Ville de Paris au Sénat en 1995 ainsi qu’un Prix de poésie de l’Académie française en 2001 (Hélène Carrère d’Encausse). Le Prix de poésie Hélène Rivière de l’Académie rhodanienne des Lettres lui est décerné en compagnie de Philippe Jaccottet (Grand Prix) en 2001. Luezior est nommé Chevalier de l’Ordre national des Arts et des Lettres par le Ministère français de la Culture en 2002. En 2013, le 50e prix Marie Noël, dont un ancien lauréat est Léopold Sédar Senghor, lui est remis par l’acteur Michel Galabru, ancien membre de la Comédie française.

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